XV de France: le temps est venu de crier victoire à la fin du Tournoi des six nations

« Ce bruit de fond récurrent me va très bien. » En prononçant ces mots, mercredi, à l’heure de l’annonce de la composition du XV de France pour son entrée en lice dans le Tournoi des six nations, ce vendredi soir face aux Gallois, Fabien Galthié ne parlait pas de la polémique, voire du courroux, qui monte depuis l’officialisation des retours d’Oscar Jegou et Hugo Auradou sous le maillot bleu. Fraîchement déclarés non-coupables par la justice argentine, et en attendant le verdict de l’appel de la plaignante mi-février, les deux bringueurs de Mendoza sont déjà de retour, sept mois après avoir défrayé la chronique judiciaire. Reste à voir l’accueil que leur réservera le public du Stade de France…

Fabien Galthié, donc, ne parlait pas de ça — il a d’ailleurs estimé, péremptoire, avoir assez évoqué un sujet « que nous assumons très clairement » —, mais de l’obligation de résultat qui pèse sur son équipe. Des supporteurs aux médias, c’est le sujet de la semaine. Depuis qu’il a pris seul les rênes du XV de France, en janvier 2020, le technicien réputé a redressé l’équipe de France, affichant 80 % de victoires (43 succès, 1 nul, 11 défaites). Le meilleur bilan jamais affiché par un sélectionneur français. Las ! Il manque le principal : des lignes supplémentaires au palmarès.

On ne parle pas là du trophée Eurostar qui honore, depuis 2000, le vainqueur du Crunch entre la France et l’Angleterre, et soulevé à quatre reprises par le capitaine des Bleus ces cinq dernières années. Pas plus de l’Auld Alliance Trophy, qui récompense, depuis 2018, le lauréat de France-Écosse. Encore moins de la sculpture de Jean-Pierre Rives, baptisée Trophée Garibaldi, attribuée au gagnant des oppositions entre Italiens et Français. Des colifichets dont pas grand monde a cure.

Non, on parle de lignes rutilantes. Un Tournoi remporté ou, mieux encore, un Grand Chelem. Or, depuis 2020, la troupe de Fabien Galthié n’en compte qu’un, bouclé en 2022. Sans même parler de cette affreuse balafre avec l’élimination dès les quarts de finale d’une Coupe du monde à domicile. Pour une génération dite dorée, emmenée par le meilleur joueur du monde, Antoine Dupont, qui règne sur le rugby de club européen (le Stade Toulousain et le Stade Rochelais se partagent les quatre derniers sacres en Champions Cup), le chat est maigre. Ugo Mola, l’architecte de la domination toulousaine, n’a d’ailleurs pas manqué de le relever, piquant ses treize joueurs appelés à représenter la patrie. « Je vous rappelle que cette génération n’a réalisé qu’un Grand Chelem en cinq ans. Donc il faudrait peut-être qu’ils se bougent un peu… », a-t-il balancé, un sourire pour emballer la perfidie.

«Apprécier et respecter»

Le message est passé dans ses rangs. « Il y a beaucoup de frustration concernant le palmarès de cette équipe quand on sait son potentiel. Cette frustration doit se transformer en motivation », encourage Superdupont. « C’est sûr qu’on aimerait avoir un palmarès plus étoffé. Les résultats ne sont pas aboutis, car il manque ces trophées. Mais ça ne tient qu’à nous. Nous sommes sur le terrain, à nous de faire les efforts nécessaires. Nous avons un groupe qui vit bien, qui travaille bien, qui joue bien. Maintenant, il faut concrétiser », appuie son coéquipier toulousain, le sécateur François Cros.

Nous avons une grande volonté de réussir. Mais 80 % de victoires sur 55 matchs, c’est une performance hors norme, jamais réalisée

Fabien Galthié

Ce « bruit de fond », dont le volume ne cesse cependant de monter, Fabien Galthié « l’entend ». Affirme « apprécier et respecter » cette pression du résultat. Tout en veillant à ne rien promettre et, surtout, à défendre son bilan. « Il y a d’autres mots à employer que celui d’échec. Nous sommes toujours très ambitieux, toujours très exigeants. Nous avons une grande volonté de réussir. Mais 80 % de victoires sur 55 matchs, c’est une performance hors norme, jamais réalisée. J’entends que ça fait cinq Tournois et que nous n’avons qu’un Grand Chelem et une première place ex aequo en 2020 (deuxième au goal-average, ndlr). Mais trois places de deuxième, pour moi, c’est excellent aussi. Bien sûr que nous avons envie de faire mieux. Mais, sur nos onze défaites, sept le sont de moins de trois points. Ça veut dire que, lors de ces sept défaites, on était encore dans la partie pour l’emporter… »

Pas certain que l’argutie statistique suffira à consoler les supporteurs et les joueurs du XV de France si leurs ambitions se fracassaient dès la semaine prochaine à Twickenham. Ou le 8 mars à Dublin, face au XV de Trèfle, l’autre grand favori de la compétition, en lice pour une grande première dans l’histoire de la vénérable compétition : inscrire son nom au palmarès pour la troisième année d’affilée.

Ne parlons même pas d’une énorme désillusion d’entrée, ce vendredi soir dans un Stade de France à guichets fermés, en cas de défaite face à une équipe du pays de Galles en guenilles, douze défaites en autant de rencontres en 2024. Une débâcle qui, cette fois c’est une certitude, déclencherait une bronca du public. Et vaudrait au moins une année de lazzis aux Bleus et à leur sélectionneur.