"Très spirituel", "vie communautaire importante", reconnu par tous les chrétiens... Qu'est-ce que l'ordre de Saint-Augustin dont le pape Léon XIV se revendique ?
"Je suis un fils de saint Augustin, un augustinien" : c'est ainsi que le pape Léon XIV s'est présenté jeudi 8 mai lors de son tout premier discours depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre, juste après son élection. Le 267e pape est en effet membre de l'ordre de Saint-Augustin dont il a même été le prieur général. Pour Gino Hoël, rédacteur à Slate et spécialiste de l'Église catholique, le choix d'un pape augustinien n'est probablement pas le fruit du hasard.
Franceinfo : Pouvez-vous d'abord expliquer ce qu'est un ordre religieux ?
Gino Hoël : Les ordres religieux, ce sont des clercs et parfois même des laïcs qui décident de vivre ensemble et d'observer dans leur vie quotidienne une règle qui les inspire. Les gens suivent effectivement la foi, mais ils vont la vivre de manière différente, en fonction d'une règle qui va venir régir leurs habitudes, leur dire quoi faire. Ce sont des gens qui prient beaucoup. On a l'image du moine qui travaille, mais ce sont aussi des gens qui enseignent, qui prennent soin des autres dans les domaines de la santé ou du social. Ils vont vivre avec des règles très précises que les chrétiens ne sont pas obligés de suivre, mais que, eux, suivent parce que ça les aide à mieux diffuser l'Évangile. Les ordres les plus importants aujourd'hui sont notamment les franciscains et les jésuites.
"Si l'on regarde de près, avant François, cela devait faire à peu près un siècle qu'il n'y avait pas eu de papes religieux."
Gino Hoëlà franceinfo
C'est à vérifier dans l'histoire de la papauté mais pendant très longtemps on a plutôt été chercher dans le vivier des non-religieux.
Qu'est-ce que l'ordre de Saint-Augustin, dont Léon XIV était membre ?
L'ordre de Saint-Augustin est un ordre mendiant, c'est-à-dire un ordre qui dépend de la charité publique pour subsister. Il existe quatre ordres mendiants : les franciscains, les carmes, les dominicains et les augustiniens. L'ordre de Saint-Augustin a été fondé au XIIIᵉ siècle par des moines qui ont obtenu une autorisation du pape de l'époque, Innocent IV, de vivre une vie communautaire régie par la règle de Saint-Augustin qui, lui, est un père de l'Église du Vᵉ siècle. Il y a une dizaine d'années, ils étaient pratiquement 3 000 dans 50 pays à travers le monde et il n'y a pas que des hommes, il y a aussi des femmes.
Quelle est la pensée qui guide cet ordre religieux ?
C'est une pensée très spirituelle. Cet ordre est beaucoup axé sur la mission, sur la vie communautaire et sur la pauvreté. Ils se sont beaucoup occupés des malades et des personnes qui étaient hospitalisées. Ils se sont inspirés de Saint-Augustin, dans ce qu'il préconise dans un certain nombre d'écrits et qui sont en fait des conseils pour vivre ensemble. Saint- Augustin est un père de l'Église qui a essentiellement parlé de la grâce, c'est-à-dire du fait que l'on ne peut pas se sauver seul et que l'on a besoin de Dieu pour être sauvé. Il y avait à l'époque de saint Augustin, au Vᵉ siècle, des gens qui étaient partisans de ce qui est devenu par la suite une hérésie : le pélagianisme. Il s'agit de la doctrine de Pélage, un moine qui expliquait que n'importe qui peut devenir saint par lui-même, par sa décision propre, sans avoir besoin de Dieu. Saint-Augustin s'est énormément attaqué à cette idée. Mais l'ordre de Saint-Augustin, c'est aussi une organisation. La vie communautaire est très importante. Il y a des chapitres, donc un certain nombre de décisions, qui sont prises en commun. Toutes les décisions qui sont prises par le prieur ou le prieur général, sont prises après une discussion en commun.
Le fait que Léon XIV soit issu des augustiniens peut-il avoir une incidence directe sur ses actes en tant que souverain ?
Ça dit quelque chose. François avait notamment lancé en 2021 ce qu'on appelle le synode sur la synodalité, c'est-à-dire une façon plus horizontale de prendre des décisions. Ça, les augustiniens savent faire et je pense que Léon XIV a aussi été choisi pour ça. Comme il a l'habitude de prendre des décisions dans un cadre communautaire, et donc dans un cadre horizontal, ils se sont sans doute dit que ce serait utile pour le synode sur la synodalité, qui n'est pas fini. Dans trois ans, une assemblée ecclésiale va justement évaluer comment a été mis en place le Synode sur les synodalités. Je pense qu'ils se sont dit que ça aiderait cette assemblée ecclésiale. Mais cela vaut aussi pour la manière de prendre des décisions dans l'Église et il l'a déjà montré, puisqu'il a dit aux cardinaux qu'il souhaitait gérer avec eux.
"Donc il risque d'instaurer un peu plus de collégialité - comme on dit dans l'Église -, entre le pape, les évêques et les cardinaux. Il y aura un peu plus de discussion."
Gino Hoëlà franceinfo
On a reproché à François d'être un peu trop autoritaire et de prendre des décisions solitaires. Je pense que c'est à moitié vrai et que, pour Léon XIV, ce ne sera pas le cas. Ce sera un pape œcuménique, justement parce qu'il a cette vision augustinienne. Il faut savoir qu'Augustin est reconnu par tous les chrétiens, qu'ils soient catholiques, orthodoxes ou protestants.