85 signataires, issus de huit groupes politiques différents, de gauche, du centre et de la droite, ont signé cette proposition de loi portée par l’ancien ministre délégué à la santé Frédéric Valletoux. Son objet paraît simple : renforcer la prévention des accidents de la route «en instituant des visites médicales à intervalles réguliers». Tous les 15 ans précisément, et même tous les 5 ans lorsque le conducteur est âgé de 70 ans ou plus. Car selon ces députés, l’état de santé des conducteurs joue «un rôle déterminant» dans leur aptitude à conduire en toute sécurité, «et ce, à tout âge». «Des troubles tels que des déficiences visuelles , auditives, cognitives, ou des maladies chroniques peuvent en effet altérer les capacités nécessaires à une conduite sûre et justifient la mise en place de mesures de prévention», écrivent-ils.
Si les députés s’appuient sur un sondage IFOP de février 2024, pour montrer que cette proposition est populaire - 59 % des répondants sont favorables à la mise en place de visites médicales et 70 % sont favorables à des visites pour les séniors - les représentants d’intérêt du secteur de l’automobile et de la formation à la conduite sont vent debout. «Ils nous refont le coup de la visite médicale !», s’énerve Aurélie Joly formatrice d’autoécole ECF spécialisée dans l’accompagnement des seniors.
À l’été 2023, le député Bruno Millienne avait déjà déposé un autre texte visant «à mettre en place une visite médicale de contrôle à la conduite pour les conducteurs de soixante‑quinze ans et plus». D’autres propositions ou amendement du type ont été régulièrement mis sur la table, remontant pour l’une d’entre elles à l’année 2013, dans les murs du Sénat (Rapport n° 637 (2012-2013), déposé le 5 juin 2013).
Pour Pierre Chasseray, délégué général de « 40 millions d’automobilistes », «cette proposition de loi remet en question un principe fondamental : le permis de conduire à vie». «Aujourd’hui, ce dernier est indispensable au quotidien pour de nombreux citoyens pour répondre à leurs besoins de mobilité, en particulier dans les territoires où les transports en commun et le vélo ne constituent pas des solutions adaptées», écrit-il dans un communiqué.
Une proposition plus lourde que celle de l’Union européenne
«La visite médicale obligatoire pour les seniors est une fausse bonne idée. D’abord, que va-t-on vraiment évaluer ? Des tests visuels, auditifs ou cognitifs, certes, mais réalisés par qui ?», se demande Aurélie Joly. Selon elle, le meilleur juge reste le médecin traitant, qui peut accompagner un senior en difficulté sur la route. «Plutôt qu’une mesure punitive, il faudrait un accompagnement global : stages de remise à niveau, promotion des mobilités alternatives, et surtout, une vraie sensibilisation des médecins pour interroger leur patient sur leur capacité à conduire», explique la formatrice ECF.
La proposition de loi «visite médicale» est donc un marronnier législatif, sauf qu’il y a du nouveau, ayant désormais vocation à s’appuyer sur une future directive européenne. Le 25 mars denier un accord a été trouvé entre me Parlement et le Conseil de l’UE pour la réalisation d’un examen médical soit obligatoire avant la première délivrance d’un permis de conduire. «Toutefois, les pays de l’UE peuvent choisir de remplacer le contrôle médical par des formulaires d’autoévaluation ou, en cas de renouvellement du permis de conduire, par d’autres mesures alternatives», note l’UE. En l’espèce le législateur français tente de faire adopter une proposition plus lourde, ce qui en droit, reste parfaitement possible.