TRANSPARENCE. Comment la guerre à Gaza est-elle racontée par les journalistes de France Télévisions malgré l'impossibilité d'y entrer ?
Les équipes de reportage de France Télévisions ne peuvent pas se rendre dans la bande de Gaza pour couvrir la guerre et ses conséquences. Alors comment font-elles pour vous informer ? Et les informations sont-elles fiables ? L'émission "Votre télé et vous" est revenue, le 18 juin dernier, sur ces questions. Nous en reproduisons des extraits dans le cadre de notre page Une information transparente.
"Nous avons engagé des relations avec des caméramans, que nous choisissons", explique Etienne Leenhardt, rédacteur en chef du service des affaires internationales, l'un des invités de l'émission conçue et présentée par Jérôme Cathala, le médiateur de l'information nationale de France Télévisions. "Ce ne sont pas des choix imposés par qui que ce soit. Ce sont des gens avec lesquels nous apprenons à travailler", poursuit Etienne Leenahrdt. Mais ce n'est pas le seul moyen de couverture.
Au sein de France Télévisions, Les Révélateurs, une équipe de journalistes spécialisée dans l'enquête à partir de sources publiques, exploitent d'autres méthodes. "Nous avons par exemple réussi, avec les nouveaux moyens technologiques, à documenter les ordres d'évacuation des quartiers de Gaza, quartier par quartier, ordonnés par l'armée israélienne", reprend Etienne Leenhardt. L'équipe en a fait "un sujet de 4 minutes qui montrait comment ces ordres d'évacuation entraînent une réduction drastique de l'espace vital des populations palestiniennes, qui ne peuvent plus sortir de Gaza. A des fins, peut être, d'évacuation – ça nous ne le savons pas, c'est l'histoire qui le dira."
"Le travail [des journalistes de terrain] est indispensable, mais ce n'est pas que la seule façon de regarder Gaza."
Etienne LeenhardtRédacteur en chef du service des affaires internationales à France Télévisions
Des moyens technologiques tels que les images satellitaires, permettent de voir par exemple "des mouvements de population et des destructions de maisons, mais aussi la guerre de l'eau à Gaza". La rédaction utilise également "les images des réseaux sociaux, que nous vérifions pour ne pas être instrumentalisés", explique Etienne Leenhardt.
Une frontière infranchissable pour les reporters étrangers
Au début de cette guerre, Israël a interdit l'entrée des journalistes étrangers dans la bande de Gaza. Depuis, "rien n'a changé", affirme Arnauld Miguet, correspondant de France Télévisions au Moyen-Orient. "Israël a imposé un blocus absolument hermétique. La frontière est une ligne rouge infranchissable. C'est un des rares conflits dans l'histoire qui ne peut pas être couvert directement sur le terrain", raconte le journaliste.
Cette situation complique le travail des journalistes. Nous disposons "des images fournies par l'armée israélienne, des images qui nous parviennent grâce aux agences de presse qui s'appuient sur des relais sur place, les réseaux sociaux, et nos propres journalistes, qui travaillent sur le terrain à Gaza." Quant à l'interdiction d'accès à l'enclave, elle a été combattue en justice, sans résultat pour l'instant.
"L'association de la presse étrangère a (...) porté l'affaire, dès le début de la guerre, devant la Cour suprême israélienne pour que la presse étrangère ait un accès à Gaza. Cela n'a rien donné."
Arnauld Miguetcorrespondant de France Télévisions au Moyen-Orient
Les journalistes palestiniens qui travaillent pour les agences de presse et pour les rédactions étrangères sont appelés "fixeurs". Ils vivent, souvent avec leur famille, le même danger que la population, et prennent le risque supplémentaire de couvrir les points chauds comme les lieux de distributions de nourriture. Le 2 juillet dernier (après la diffusion de "Votre télé et vous"), Fayez Aref Abou Khousa a ainsi été blessé dans un bombardement alors qu'il se rendait sur les lieux d'un reportage pour France Télévisions.
Des bilans humains fiables ?
Qu'en est-il des chiffres ? Sur quelles sources les journalistes de France Télévisions s'appuient-ils ? Dans un reportage du 20 heures du 20 janvier 2025, "le journaliste cite près de 47 000 morts [à Gaza, depuis le début de la guerre], selon le ministère de la santé du Hamas. Veuillez ajouter [qu'il s'agit] d'une statistique invérifiable, qui ne fait pas la différence entre les civils et les terroristes", réclame Jeanne, une téléspectatrice dont le médiateur a sélectionné le message.
"Il est impossible de vérifier les chiffres, évidemment, et notamment ce macabre décompte des morts de Gaza", souligne Jérôme Cathala. Arnauld Miguet rappelle que ce sont des "chiffres avancés par la défense civile ou le ministère de la Santé, dirigés par le Hamas, qui dirige Gaza depuis 2007. Il s'agit de chiffres globaux, mais qui sont corroborés en général par les Nations unies et par les ONG sur place et qui donnent des bilans qui se rapprochent, disent les Nations unies, de la réalité." Le journaliste ajoute : "Comme disait Disraeli [premier ministre britannique en 1868 puis de 1874 à 1880], il y a la statistique et la vérité. Il faut noter cependant que les autorités israéliennes ne démentent pas ces bilans, dans la plupart des cas. On estime le nombre de morts à 55 000. Selon Israël, 20 000 sont des combattants du Hamas."