Des contre-pétitions tentent d’émerger pour défendre la loi Duplomb et le monde agricole

Alors qu’une pétition citoyenne contre la loi Duplomb bat tous les records, atteignant plus de 1,6 million de signatures, des contre-pétitions de soutien se multiplient sans toutefois rencontrer le même succès à ce stade. Agriculteurs, banquier ou Français lambda... Ils estiment que la loi votée le 8 juillet dernier permet de «soutenir le monde agricole» et ses agriculteurs qui «nourrissent les Français». Pour eux, ce texte législatif décrié par la gauche «peut permettre à nos agriculteurs de mieux vivre de leur travail» et de garantir une «souveraineté alimentaire» à la France.

Pour l’heure, Le Figaro recense une quinzaine de pétitions publiées sur la plateforme de l’Assemblée nationale, prévue à cet effet. Bien que la majorité ne dépasse pas la centaine de signatures - voire la vingtaine pour certaines -, une se démarque des autres. Publiée le 21 juillet par Philippe Parmentier, un agriculteur de 53 ans, elle a été signée par plus de 500 personnes. Et cette même pétition recueille plus de 18.000 signatures sur un autre site, Mes Opinions, spécialisé dans les pétitions citoyennes, mise en ligne le 20 juillet.

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«Du bon sens pour la planète»

Dans son texte, l’agriculteur localisé dans les Hauts-de-France affirme soutenir la loi Duplomb «avec bon sens, vérité et sans idéologie». Axant ses propos autour de la culture de la betterave, Philippe Parmentier alerte sur «les pucerons vecteurs de la jaunisse en betterave, causant des pertes allant jusqu’à 40%». Le producteur défend ainsi l’utilisation de la «flupyradifurone», un insecticide qui fait partie des néonicotinoïdes au même titre que l’acétamipride interdit en France depuis 2020. Pour lui, il permet de lutter contre la jaunisse tout en réduisant la consommation d’eau, habituellement élevée lors du passage d’insecticide. «De l’efficacité et du bon sens pour la planète !», salue-t-il.

Philippe Parmentier déclare par ailleurs que l’acétamipride n’est pas dangereux pour les humains. «Sachez que les colliers antipuces de vos animaux de compagnie sont traités avec cet insecticide à des doses 20 000 fois plus concentrées», soutient-il. De nombreux autres pétitionnaires avancent cet argument, soulignant qu’«aucune étude» n’a prouvé l’existence d’un risque pour la santé. En 2016, l’Agence nationale de sécurité sanitaire, qui avait analysé les études menées sur des animaux, concluait que «ces travaux ne mettent pas en évidence d’effet nocif pour la santé humaine».

Mais en l’absence de données sur l’être humain, l’incertitude demeure. «Ces insecticides sont neurotoxiques : ils s’attaquent au système nerveux central de tous les êtres vivants, pas seulement à celui des insectes»affirmait alors au Figaro  Jean-Marc Bonmatin, chimiste et toxicologue au CNRS. En 2024, un rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a ainsi évoqué des «incertitudes majeures» concernant de potentiels effets de l’acétamipride sur le neurodéveloppement des fœtus et des jeunes enfants.

Concurrence déloyale

Un grand nombre de pétitionnaires dénoncent la concurrence déloyale dont sont victimes les agriculteurs français. Ils s’insurgent que ces insecticides leur soient interdits alors que la France importe des produits exposés à ces mêmes insecticides, en provenance de pays où ils sont autorisés. «On interdit à nos paysans certaines molécules, mais on les laisse être concurrencés par des produits étrangers bien moins régulés», s’énerve par exemple Olivier Lehe dans sa pétition qui cumule une centaine de signatures. Ce dernier réclame donc «l’interdiction immédiate d’importer tout produit agricole contenant des résidus de pesticides ou de substances interdites en France».

Ainsi, Robert Beaugrand considère que la loi Duplomb «n’a pas pour objet de relâcher la vigilance environnementale, mais de répondre à une réalité économique et agricole urgente, en apportant une bouffée d’oxygène à des professionnels en grande difficulté».

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Tous ces arguments avaient déjà été avancés par la FNSEA, le premier syndicat agricole avec son allié des Jeunes Agriculteurs, qui étaient venus manifester devant le Palais Bourbon avec leurs tracteurs. «Qu’il y ait une discussion autour de cette pétition, pourquoi pas. Mais tout recommencer serait une grande perte de temps et une finalité perdante pour le monde agricole», avait réagi samedi auprès de l’AFP Quentin Le Guillous, secrétaire général des Jeunes agriculteurs.

«Perte de temps considérable»

Un avis partagé par plusieurs pétitionnaires, comme un certain Robert Beaugrand, qui juge injustifié de revenir sur une loi votée par le Parlement. «La pétition de Madame PATTERY (...) représente une position militante qui, bien que légitime dans le débat public, ne saurait justifier à elle seule un nouveau débat parlementaire. Par ailleurs, ouvrir un débat inutile sur un texte déjà adopté démocratiquement, sans base factuelle nouvelle, représenterait une perte de temps considérable pour les institutions», a-t-il notamment affirmé.

Dès lors que la pétition contre la loi Duplomb a atteint les 500.000 signatures, la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale peut décider qu’elle soit débattue dans l’hémicycle. Yaël Braun-Pivet s’est d’ailleurs dite favorable à ce scénario. Elle a été suivie par le gouvernement puisque la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a assuré qu’il était «pleinement disponible». Le sort de la pétition devrait être tranché à la rentrée.