C’est un amendement au projet de budget 2026 qui fait trembler les restaurateurs. Déposé par le député socialiste Philippe Brun, il propose de diviser par près de deux le taux de TVA applicable aux établissements titulaires du titre de «maître restaurateur» (de 10% à 5,5%). En contrepartie, il prévoit de doubler le taux de TVA des autres restaurants, pour le faire passer à 20%.
L’objectif avancé par le vice-président de la commission des Finances de l’Assemblée étant «de promouvoir une restauration de qualité et de soutenir les acteurs vertueux du secteur». Si l’amendement a été rejeté cette semaine lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) en commission, l’élu PS l’a réintroduit en vue de la discussion du texte en séance publique dans l’hémicycle, qui a démarré ce vendredi après-midi.
Passer la publicité«Il s’agit d’un vote en commission, mais c’est une première étape gagnée», a réagi Catherine Quérard, présidente du Groupement des hôtelleries et restaurations de France (GHR), dans un communiqué. Son organisation, qui représente 15.000 établissements, s’était élevée contre cet amendement. Dans un communiqué commun avec la Fédération des entreprises de la boulangerie (FEB), le Groupement national des chaînes hôtelières (GNC), le Syndicat national de l’alimentation et de la restauration rapide (SNARR) et les Traiteurs de France, publié mercredi, elle avait alerté sur ce doublement de la TVA «pour la restauration populaire». «Ni les restaurants, ni leurs clients n’ont les moyens de supporter une hausse de la TVA dans la restauration», avertissait le texte.
Hausse des prix «de près de 10%»
Du côté des clients, les professionnels estiment que cette mesure «entraînerait une augmentation immédiate des prix de près de 10% rendant difficile l’accès au restaurant pour une très large part de nos concitoyens». Et ceux-ci de pointer également ses effets pour la restauration traditionnelle, déjà en pleine crise. «Les défaillances d’entreprises ont atteint un niveau record depuis 10 ans, et plus d’un quart des restaurants affichent déjà un résultat net négatif», pointe l’Umih, la principale organisation patronale du secteur.
Les professionnels de la restauration citent une étude du cabinet Xerfi, selon laquelle un passage du taux de TVA de 10% à 20% «menacerait entre 15.000 et 40.000 restaurants et 42.000 emplois». «Cet amendement parlementaire donnerait de l’air à 1% des restaurateurs et asphyxierait les 99% restants ainsi que leurs clients», alertent le GHR et les autres organisations dans leur communiqué. Ces groupements ont écrit au ministre du Commerce Serge Papin pour lui demander de s’«opposer à cet amendement», qui «constituerait un choc dévastateur».
Les restaurants pouvant se targuer du titre de «maître restaurateur» sont en effet largement minoritaires en France, soit environ 3000 sur plus de 170.000 établissements au total. Cette démarche, créée en 2007, «est volontaire, coûteuse en temps et en démarches administratives, avec des critères stricts portant sur l’ensemble de la carte proposée et tous les restaurateurs ne peuvent pas se permettre ces coûts supplémentaires», souligne l’Umih. Ce label s’appuie sur un cahier des charges précis, qui, indique Bercy sur son site, «mêle professionnalisme et qualifications du chef, fraîcheur et saisonnalité des produits ou encore exigence d’une cuisine entièrement ”maison”».
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Cet amendement du député Philippe Brun ne sort pas de nulle part. Il reprend une proposition avancée par le restaurateur Stéphane Manigold, fondateur du groupe Éclore, et le chef étoilé Philippe Etchebest. Dans une tribune publiée dans Le Figaro début octobre, les deux hommes proposaient de réserver le taux réduit de TVA «aux établissements titulaires du titre officiel de maître restaurateur : 5,5% pour ceux qui cuisinent vraiment». «Les autres doivent relever du taux normal : 20% pour ceux qui se contentent de réchauffer. Peu importe le canal : sur place, à emporter, en livraison, via plateformes, dark kitchens ou kits prêts à assembler», écrivaient-ils.