Procès Pelicot : l’avocate tik-tokeuse El Bouroumi clôt les plaidoiries

Elle a clos en une heure de temps la séquence de deux semaines de plaidoiries. Ses confrères et consœurs avaient décidé ensemble que maître Nadia El Bouroumi fermerait le banc. Ces clients n’étaient pas les plus nombreux, ni leurs peines requises les plus importantes. Mais sans doute les avocats de la défense attendaient un plaidoyer offensif et déterminant, peut-être spectaculaire, qui pourrait faire pencher de leur côté la balance de la Cour criminelle départementale d’Avignon.

D’emblée maître Bouroumi a décidé de jouer la province contre Paris. Elle est « d’Avignon » comme un grand nombre de ses confrères, est « tombée dans ce procès » sans imaginer l’ampleur qu’il prendrait, en France comme à l’international. En creux, elle se distingue bien évidemment des origines des parties civiles et de leurs avocats parisiens. Maître Bouroumi dit défendre des « hommes simples, comme cet ouvrier agricole, garagiste à ses heures ». Depuis le début du procès, elle a décidé de se démarquer de l’image classique des notables de la justice, racontant ses audiences sur tik tok, critiquant le temps médiatique de l’immédiat, tout en abusant des réseaux sociaux comme une influenceuse, usant d’un champ lexical du quotidien. Quand elle débute sa plaidoirie, elle ne fait pas référence à Victor Hugo ou André Malraux, comme ses confrères, mais à Francis Cabrel. S’amusant même à pousser la chansonnette dans le prétoire en fredonnant : « Est-ce que ce monde est sérieux ? »

Rapidement, ce procès « l’a dépassé ». Elle pensait représenter des hommes simples, on lui dit qu’elle défend « des violeurs ». « On me dit ce procès ça va régler plein de choses, enfin les femmes vont être libres » s’époumone-t-elle à la barre. « Je suis triste parce que, une fois encore, les femmes se font avoir ». Nadia El Bouroumi en veut à cette surmédiatisation qui est un écran de fumée, qui veut transformer la société, alors que «#metoo n’a rien permis ». L’avocate « galère toujours autant » quand elle accompagne une femme pour porter plainte au commissariat. La presse est « à côté de la plaque parce qu’elle n’est pas dans le procès », plus prompte à discourir sur le consentement, à prôner un changement de la loi sur le viol, et a ignoré la présomption d’innocence.

« C’est le procès de la soumission chimique, pas du consentement », s’indigne Nadia El Bouroumi. Elle s’offusque de la conclusion du réquisitoire du ministère public – qui s’en remettait ainsi à la cour : « Vous nous guiderez dans l’éducation de nos fils »-, le traitant de « faiseur de morale ». « On veut éduquer nos fils, faire de la transformation sociale, de la politique, y a pas de gouvernement, mais on va y arriver avec le procès Mazan ! », ironise-t-elle, en ponctuant ses interventions de retentissant « waouh ! ». À cette heure-là, François Bayrou n’avait pas encore été nommé Premier ministre…

Nadia El Bouroumi veut rester dans le prétoire, se concentrer sur le droit, la présomption d’innocence, l’intention. S’il n’y a pas intention, il n’y a pas viol. Pour elle, les vidéos de Dominique Pelicot incriminant les prévenus sont « du vent » : « On vous dévie », lance-t-elle à la Cour. Ce n’est pas un argumentaire juridique et factuel, assure-t-elle. Pour l’avocate, « la vidéo, c’est la fin d’un scénario » écrit uniquement par Dominique Pelicot dans un film tourné par lui, « ce violeur en série digne d’une série Netflix ». Le conseil est persuadé que « le procès est passé à côté de sa personnalité ». Nadia El Bouroumi insiste sur les deux autres affaires franciliennes pour lesquelles il a été mis en examen. « C’est un violeur en série qui a commencé en 1990 ». L’homme est terriblement dangereux, soupçonné de meurtre, et correspond aux descriptions des « profileurs américains » sur les violeurs en série. L’avocate de la défense ne renonce pas à sa thèse : sa femme Gisèle Pelicot a été, et reste, sous emprise, après cinquante ans de vie commune. Alors comment s’étonner que les accusés aient tous été abusés par ce manipulateur, notamment ceux qu’elle défend Omar D. et Jean-Marc L. Pour l’avocate, Dominique Pelicot a mis en place « un stratagème, un modus operandi » en ciblant des êtres faibles. Quand Gisèle Pelicot affirme qu’elle n’a rien vu, Nadia Bouroumi lui répond : « Je vous crois Mme Pelicot mais je vous dis que mes clients ont été victimes de votre mari ». Cet homme est « un prédateur », « une exception », quand elle défend « des hommes qui sont la normalité de notre société », curieux de libertinage mais qui ont été « utilisé comme des objets ». L’avocate hausse encore le ton en désignant le principal accusé : « On a un monstre dans le box ». Et de conclure que ses clients « ne sont pas des violeurs ». Pour elle, ils sont « des victimes » et donc la cour doit « acquitter ces gens -là ».

La dernière plaidoirie se termine. L’audience est levée jusqu’à lundi 16 décembre où les accusés pourront prendre une toute dernière fois la parole s’ils le souhaitent. À sa sortie, Nadia El Bouroumi est poursuivie par les journalistes. Tout sourire, celle qui adore fustiger les médias répond avec plaisir aux micros tendus. Quand chacun range son matériel, elle demande avec assurance : « C’était bien ou pas quand même ? »

Avant de partir, une dernière chose…

Contrairement à 90% des médias français aujourd’hui, l’Humanité ne dépend ni de grands groupes ni de milliardaires. Cela signifie que :

  • nous vous apportons des informations impartiales, sans compromis. Mais aussi que
  • nous n’avons pas les moyens financiers dont bénéficient les autres médias.

L’information indépendante et de qualité a un coût. Payez-le.
Je veux en savoir plus