Opéra de Paris : lourds travaux en vue pour Bastille et Garnier

Drôle de moment pour annoncer des grands travaux pour l’Opéra de Paris ! Alors que François Bayrou continue à réclamer 40 milliards d’économie sur le budget de l’État, voilà Rachida Dati prête à lancer un plan de rénovation des quatre sites de l’Opéra - Garnier et Bastille, dans un premier temps, les Ateliers Berthier (17e) et l’École de danse à Nanterre (Hauts-de-Seine), dans un second. Pour les deux grandes salles parisiennes, il représenterait 450,8 millions d’euros, dont environ un tiers serait pris dans les poches publiques. « Ce projet constitue une rénovation d’ampleur et une transformation complète du site de Bastille, destiné à s’ouvrir sur l’extérieur, y compris la journée », justifie l’entourage de Rachida Dati.

Baptisée « Nouvelle ère, nouvel air », la révolution dépasse par ailleurs « les éventuels aléas politiques, car elle est portée par le président de la République », assure-t-on Rue de Valois. Après le lancement d’un grand projet de rénovation du Musée du Louvre, Paris va donc accueillir un second grand geste monumental - qui fera, lui aussi, l’objet d’un concours international d’architectes, à l’automne. « Ils marqueront le siècle à venir », s’est réjouie la ministre, mercredi 2 septembre, depuis l’Opéra Bastille. Ce lieu imaginé par l’architecte Carlos Ott, a-t-elle concédé, « n’est pas ouvert sur la ville. Le grand escalier extérieur n’est pas utilisé, l’entrée du public est peu lisible. » On dira également qu’il est mal aimé des Parisiens, car trop austère.

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Une louche de transition écologique

Nouvelle ère, nouvel air vise autant à ouvrir de nouveaux espaces publics à Bastille (expositions, restaurants, espaces de médiation, mise en lumière des métiers d’art de la scène…) qu’à moderniser les scènes (machinerie, son, lumière, vidéo, cage de Garnier) devenues vétustes. S’ajoute une louche de transition écologique - notamment pour Bastille, qui date de 1989 et où seront implantés des panneaux solaires.

Si Rachida Dati, pour forcer le trait, avait parlé de scène pouvant « s’écrouler », le ministère prend désormais ses distances avec ces déclarations dramatisantes. Il n’en reste pas moins que, dès 2024, la Cour des comptes a souligné le retard pris par l’institution dans la gestion de son patrimoine et de ses bâtiments. Et plaidé pour un sursaut. Il est vrai, ont admis les magistrats, qu’un projet de nouvelle salle modulable, annoncé en 2016 puis annulé quelques années plus tard, a eu pour conséquence de reporter sans cesse les travaux. Aujourd’hui, les faits sont là : identifiés de longue date, les travaux sont nécessaires. Sous peine, explique-t-on à l’Opéra, de voir les pannes se multiplier.

Alors, comment s’organiseront les affaires ? Et sur quel calendrier ? Le ministère de la Culture et l’Opéra national de Paris ont imaginé un savant tuilage entre les deux salles, afin de ne pas priver les spectateurs et abonnés de danse et d’art lyrique. Les deux lieux accueillent 2 millions de personnes et organisent 375 levers de rideau par an. Il n’est pas question de mettre en péril cette institution, ouverte avec Garnier en 1875 et étendue avec Bastille par François Mitterrand en 1989, qui compte sur sa billetterie.

Selon l’annonce faite mercredi, entre 2027 et 2029, la scène du Palais Garnier sera fermée, avec un report de ses activités à Bastille et une programmation hors les murs, de danse comme de l’opéra et des concerts. Les visites patrimoniales à succès du palais (1,2 million de curieux l’année dernière) seront encore possibles.

Entre 2028 et 2030, la zone dite « publique » de l’Opéra Bastille (soit 4 600 mètres carrés au rez-de-chaussée) démarrera sa mue. En 2030, la salle Garnier rouvrira ses portes et la scène Bastille fermera à son tour. En 2032, un calendrier que l’on dira volontariste, tout doit être achevé tant à Garnier qu’à Bastille.

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Côté argent, les travaux d’envergure, ainsi que les nouveaux espaces de Bastille, vont aussi être largement financés par les mécènes et le privé. Chanel ayant d’ores et déjà annoncé un mécénat de 50 millions d’euros, BNP Paribas, la fondation BNP Paribas et le mécène Thierry Déau sont également dans la boucle. « Nous avons démarré une campagne de levée de fonds en France comme à l’étranger, et les mécènes semblent accrocher au projet d’une plus grande ouverture de l’Opéra de Paris au grand public », assure l’Association de rayonnement de l’Opéra de Paris (Arop). L’institution ne s’interdit pas de jouer davantage sur le niveau des tarifs, de mettre en place une tarification différenciée pour les visites patrimoniales (plus chère pour les étrangers, qui représentent 30 % des visiteurs) ou d’augmentation des prix de ses privatisations. Avec tout cela, assure-t-elle, le plan est « sécurisé ».

Quant aux Ateliers Berthier et à l’École de danse de Nanterre, ils verront leur grande révolution s’opérer après les deux scènes, avec l’argent qui reste encore à trouver.