Frais de livraison : le Médiateur du livre émet un avis sur la gratuité que souhaite Amazon

La ministre de la Culture Rachida Dati avait saisi le Médiateur du livre, le 19 novembre dernier, après l'annonce par Amazon du déploiement de 2 500 points de retrait gratuits. Depuis, la plateforme de vente en ligne applique la gratuité si la commande est retirée dans l'enceinte de supermarchés ou hypermarchés qui vendent des livres, soit à l'accueil, soit dans un casier Amazon. "C'est un contournement de la législation", avait estimé la ministre de la Culture. Mercredi 12 février, le Médiateur du livre a estimé que la livraison de livres sans frais de port n'est possible en magasins que si le retrait s'effectue au niveau des caisses. Le retrait en consigne automatique devrait en revanche être payant.

La livraison gratuite "semble pouvoir être conforme à la loi pour autant que l'acte de retrait est véritablement effectué auprès d'un commerce (caisses, accueil client) qui vend effectivement des livres", écrit-il. L'autorité indépendante, en revanche, rejette les "retraits gratuits en casiers automatiques, que la loi ne semble pas autoriser".

Une faille juridique ?

L'avis du Médiateur du livre consacre une faille que le législateur n'avait pas prévue, en formulant ainsi la loi du 30 décembre 2021 sur l'économie du livre : "Le service de livraison du livre ne peut en aucun cas, que ce soit directement ou indirectement, être proposé par le détaillant à titre gratuit, sauf si le livre est retiré dans un commerce de vente au détail de livres." "Nous pensions bien qu'il y avait une faille juridique. Maintenant, il faut qu'avec le gouvernement et le législateur, nous revenions à l'esprit de la loi", a déclaré à l'AFP le délégué général du Syndicat de la librairie française, Guillaume Husson.

"L'avis rendu public aujourd'hui confirme clairement que la livraison de livres peut être gratuite", s'est félicité un porte-parole d'Amazon. La filiale française du géant américain du commerce en ligne a laissé entendre qu'elle en voulait davantage, à savoir que soit confortée la gratuité de la livraison dans un casier Amazon. "Nous sommes cependant en désaccord avec certaines conclusions du rapport qui se nourrissent d'une lecture biaisée du droit applicable", a ajouté ce porte-parole.

Seule la justice pourra trancher

Du côté des libraires, a rétorqué Guillaume Husson, "on souhaite qu'Amazon se range à l'avis du Médiateur et respecte les lois françaises, en mettant fin à la livraison gratuite dans les casiers. Et si Amazon devait ne pas le faire, ce qui serait troublant, il contournerait la loi de manière flagrante". L'avis rendu mercredi n'entraîne aucune obligation légale et un tribunal pourrait en rendre un autre, contraignant quant à lui. Le Médiateur du livre rappelle ainsi qu'il se prononce "sans préjudice de l'appréciation que pourrait porter le juge, s'il venait à être saisi".

Depuis octobre 2023, toutes les expéditions de livres neufs à un particulier en France, jusqu'à 35 euros, s'accompagnent obligatoirement de frais de port de 3 euros minimum. Le but est d'inciter les Français à acheter leurs livres dans des commerces physiques, où le même prix est affiché partout, au détriment de vendeurs en ligne, principalement Amazon, dont la librairie fut historiquement le premier marché.