C’est un texte qui risque de faire couler beaucoup d’encre en 2025. Alors que le vote de la loi immigration avait plongé le pays dans un tourbillon politique et parlementaire il y a près d’un an, le gouvernement entend remettre la question migratoire au cœur des débats. Invité dimanche du « Grand Jury RTL-Le Figaro-M6-Public Sénat », Bruno Retailleau s’est d’ailleurs réjoui de partager le « même langage » que ses homologues européens et de pouvoir s’appuyer sur les Français, « y compris ceux qui votent à gauche », qui expriment un « consensus » sur le sujet. « Toutes les mesures que j’ai proposées ont été soutenues dans les enquêtes d’opinion », s’est enorgueilli le ministre de l’Intérieur deux mois après son arrivée Place Beauvau. Avec un objectif revendiqué haut et fort : « Maîtriser une immigration qui a totalement échappé à tout contrôle. »
Citant les dernières statistiques de 2023 en la matière - « 550 000 » arrivées régulières ou irrégulières sur le sol national -, le « premier flic de France » a jugé que le pays « n’avait plus les moyens de loger » ces immigrés dans un moment « où la machine à intégrer est totalement en panne ». Peu importe si le nouveau texte émane du gouvernement ou du Parlement, Bruno Retailleau vise surtout à « examiner toutes les dispositions de soins, de regroupement familial ». Et à « se situer non pas comme mieux-disant, comme le pays le plus avantageux - ce que nous sommes -, mais à la moyenne des pays européens. » Ce qui, selon le Vendéen, permettrait de limiter « les processus d’aspiration, d’appels d’air ».
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Six mois après le vote des députés européens sur le pacte migratoire et asile, quid de sa transposition dans la loi française ? Si le ministre de l’Intérieur n’a pas beaucoup détaillé les contours du projet qui portera ses propres ambitions, comme le retour du délit de séjour irrégulier ou la question de l’absentéisme des étudiants étrangers, il a plaidé pour « deux vecteurs législatifs ». Un premier « extrêmement lourd » pour retranscrire le « paquet » communautaire afin de mieux « surveiller les frontières extérieures de l’Europe ». Un deuxième à l’échelle nationale pour « se mettre au niveau » à l’instar du texte que Bruno Retailleau avait déposé « à l’époque » à la Chambre haute en son ancienne qualité de patron des sénateurs LR.
Un rempart contre le RN ?
De quoi raviver les tensions entre Les Républicains et le camp présidentiel, qui s’était déjà fracturé en décembre 2023 après l’accord négocié dans la douleur avec la droite en commission mixte paritaire (CMP) ? « Il y a une majorité de Français qui sont derrière » le texte, a évacué Bruno Retailleau. Façon pour le successeur de Gérald Darmanin de mettre ses partenaires macronistes devant leurs responsabilités. Tout en façonnant, via une ligne ferme sur l’immigration, sa stature de rempart contre le Rassemblement national (RN). « Quand les peuples ne sont pas écoutés des gouvernements, ils les chassent et les remplacent par des démagogues et des populistes », a-t-il tonné. Et d’avertir une nouvelle fois le bloc central, dont une partie doute de la pertinence d’une nouvelle loi : « Ou bien on prend le taureau par les cornes, on maîtrise une immigration qui ne l’est pas, et, à ce moment-là, les Français verront très bien qu’on fait cet effort ; ou, si on ne le fait pas, ils se vengeront dans les urnes. »
L’élection présidentielle de 2027 a beau occuper certains esprits, Bruno Retailleau refuse pour le moment de « se projeter ». Devant les multiples défis auxquels le pays est confronté, « il y a quelque chose d’indécent », a répondu l’hôte de la Place Beauvau alors que Michel Barnier a exhorté cette semaine sa fragile majorité, composée de macronistes et de LR, à dégager un candidat commun d’ici à l’échéance. « Les Français nous ont donné une direction au premier tour des législatives : de l’autorité, de la fermeté. Ils ne nous ont pas demandé de penser à demain », a-t-il balayé. Mettant en exergue le « gouvernement de bonne volonté » de Michel Barnier, le ministre de l’Intérieur a alors appelé les forces du « socle commun » à « travailler ensemble pour éviter une crise ».