Baisse des homicides au Mexique : un point en faveur de Claudia Sheinbaum face à Donald Trump

Dans un pays ensanglanté par la brutalité des cartels de la drogue, parvenir à infléchir la courbe de la violence est sans aucun doute le plus important des défis que doit relever la nouvelle présidente, Claudia Sheinbaum. Deux mois après son arrivée au pouvoir – le 1er octobre dernier – les premiers chiffres officiels en la matière paraissent donner raison à celle qui a choisi de poursuivre la voie de son prédécesseur – Andrés Manuel López Obrador (dit « Amlo », 2018-2024) – à savoir tourner le dos à la stratégie mortifère de « guerre contre les cartels » promue depuis des décennies en Amérique latine par Washington.

Avec « seulement » 2 234 homicides volontaires enregistrés en novembre, le deuxième mois de la présidence Sheinbaum est déjà « la période la moins violente de l’année », d’après les chiffres avancés ce mardi par les autorités.

La diminution du nombre d’homicides volontaires par rapport au mois d’octobre (-13 %) paraît confirmer la tendance à la baisse enclenchée depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir en 2018 avec Amlo.

Baisse du 18 % du nombre d’homicides 2019 et 2024

Malgré le record atteint durant son sexenat (plus de 196 000 meurtres), le président le plus populaire du Mexique depuis la fin de la seconde guerre mondiale a toutefois quitté le pouvoir en pouvant se vanter d’avoir initié un revirement de tendance, avec une baisse du nombre d’homicides de 12 % entre 2018 et 2023. Avec les nouveaux chiffres du gouvernement de Sheinbaum, la réduction du nombre d’homicides dépasse maintenant les 18 % entre 2019 et 2024.

Frontalement opposé à la stratégie de « guerre » déclarée en 2006 par le président conservateur Felipe Calderón (2006-2012), l’ex-président Amlo avait posé les bases d’une nouvelle politique visant à freiner la violence en s’attaquant notamment à une des racines du problème, à savoir les causes sociales – dont la pauvreté, qui touchait en 2018 près de la moitié de la population. Durant son mandat, plus de 9 millions de personnes sont sorties de la pauvreté.

Qualifiée de laxiste par la droite mexicaine, sa stratégie a toutefois doté le pouvoir dune « Garde nationale », une police militarisée rattachée au ministère de la Défense et dotée de 120 000 éléments, disposant de 400 casernes réparties sur tout le territoire.

« Le problème ne se résoudra pas du jour au lendemain »

C’est aussi sur cette force de sécurité que s’appuie la politique sécuritaire de la nouvelle présidente, tout en renforçant le travail des services de renseignement et d’enquête ainsi que la coordination entre les administrations fédérales et régionales.

« La stratégie de sécurité que nous avons mise en place va donner des résultats, petit à petit, a affirmé Claudia Sheinbaum, nous nous y attelons tous les jours, il y a une coordination, chacun d’entre nous fait son travail ». « Le problème (de la violence) sera résolu, a assuré Omar García Harfuch, secrétaire (ministre) à la Sécurité, (mais) cela ne se fera pas du jour au lendemain, c’est un travail constant ».

L’ancien numéro un de la police de Mexico durant le passage de Sheinbaum à la tête de la capitale (2018-2023) a annoncé avoir réalisé, durant les deux derniers mois, l’arrestation de 5 333 personnes accusés d’avoir participé des « crimes à fort impact », la saisie de 2 471 armes à feu, le démantèlement de 43 laboratoires clandestins de production de drogues de synthèse ainsi que de 58 tonnes de drogues, dont plus de 400 000 comprimés de fentanyl.

Saisie record de fentanyl

Le lendemain, la présidente a annoncé « la plus importante saisie de fentanyl jamais réalisée » : une tonne et demie de pilules (soit l’équivalent de 20 millions de doses, d’une valeur estimée à 400 millions de dollars) de cet opioïde synthétique 50 fois plus puissant que l’héroïne, et responsable de dizaines de milliers de décès par overdose aux États-Unis. La saisie a eu lieu dans l’État de Sinaloa, où plus de 1 000 soldats ont été déployés pour lutter contre l’escalade de la violence qui ensanglante la région depuis plusieurs mois, en raison de luttes au sein du cartel local.

Faut-il voir dans cette opération, menée par la marine mexicaine, une réponse aux récentes déclarations du prochain locataire de la Maison blanche, Donald Trump ? Celui-cii a menacé d’imposer des droits de douane de 25 % sur les importations en provenance du Mexique « si (ce pays) ne met pas un terme au trafic de drogue et au transit des sans-papiers » vers les États-Unis. La saisie record permet en tout cas à la présidente Sheinbaum – et à son ministre García Harfuch – de marquer quelques points face à son futur homologue.

En début de semaine, certains de ses proches collaborateurs avaient rendu publique leur intention de réaliser des opérations militaires sur le territoire mexicain pour combattre les cartels de la drogue, allant même jusqu’à parler d’« invasion douce ». Une idée qui avait déjà été avancée durant le premier mandat du républicain d’extrême droite (2017-2021), sans jamais être concrétisée.

Bien plus probable qu’une invasion armée, c’est bien le spectre d’une guerre commercial qui menace la relation bilatérale. Alors que le traité de libre-échange qui lie les deux pays avec le Canada (l’Aceum) doit être révisé en 2026, Donald Trump paraît vouloir aller bien plus loin, en préférant le « renégocier ». En 2023, les États-Unis – premier investisseur au Mexique avec 13,6 milliards de dollars – ont absorbé 83 % des exportations mexicaines. La présidente Sheinbaum a déclaré cette semaine que son équipe cherchait à rencontrer le prochain président américain « dans un avenir proche ».

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