Anora - À voir
Comédie dramatique de Sean Baker - 2 h 19
Il arrive de Cannes avec la réputation du « film qui a mis tout le monde d'accord ». Il brille même, auréolé de sa palme d'or. Anora (Mikey Madison) préfère qu'on l'appelle Ani. Elle se présente ainsi aux clients de la boîte de striptease de Brooklyn. Un jeune Russe débarque. Ivan Zakharov (Mark Eydelshteyn) ne demande qu'à s'amuser et ne tarit pas d'éloges devant les prestations d'Ani. Il l'invite chez lui à sa fête de Nouvel An et bientôt à Las Vegas avec ses amis noceurs. Ivan arrose Ani de dollars, qui monnaye chaque jour passé avec lui tout en honorant joyeusement ce client frénétique au lit. Un film qui prend bientôt une tout autre direction. Le mariage express des deux jeunes à Las Vegas ? Un « gossip », selon l'homme de confiance chargé de veiller sur l'étudiant russe envoyé aux États-Unis par ses parents. Le pauvre Toros mandate son acolyte Garnik et Igor, leur homme de main, pour vérifier auprès d'Ivan. C'est peu dire que la découverte de la mésalliance par le trio passe mal. Le marié se carapate tandis que la mariée se défend comme une lionne face aux trois hommes qui tentent de la maîtriser. Fini le bling-bling des loisirs de jeunes riches oisifs et décérébrés, bienvenue dans le Brooklyn en grisaille et en nuances de la communauté russe. Avec Anora, Sean Baker passe du trivial au sentimental, du rire au serrement de cœur avec un naturel rafraîchissant et une sincérité qui fait mouche. Il en résulte un film qui étonne et réjouit par sa tonalité. On lit la patte d'un cinéaste. F.D.
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Juré n° 2 - À voir
Drame, Thriller de Clint Eastwood - 1 h 54
L'intrigue de Juré n° 2 se déroule en Géorgie, dans un Savannah aux arbres envahis de mousse espagnole. Dans la nuit, sa voiture a heurté quelque chose. Justin (Nicholas Hoult) est sorti sous les trombes d'eau, a regardé dans le fossé, n'a rien vu. Ce trentenaire a une vie paisible. Son épouse (Zoey Deutch) est enceinte. Jusque-là, la grossesse se déroule normalement. Quelque temps après, Justin est désigné d'office pour appartenir à un jury. Il ne se doute pas que ce choix va avoir de multiples conséquences. Le 25 octobre précédent, on a retrouvé le cadavre désarticulé d'une femme en talons hauts au bord d'une route. Il se souvient de cette soirée-là. Il était allé dans un bar. Cet ancien alcoolique avait commandé un verre de bourbon, qu'il n'avait pas touché. Dans le box des accusés, un barbu nie être responsable de l'accident. La procureur (Toni Collette) marche sur des œufs. Elle se présente aux élections. Il ne faudrait pas que ce procès tourne au fiasco. Autour de Justin, ils sont onze. Justin essaie d'éviter la chaise électrique au suspect. Des remords le taraudent. Et si les autorités découvraient qu'il possède un 4 × 4 Suzuki ? Que faire ? Avec Clint Eastwood, tout est possible. Ce huis clos lui réussit. Il ne faut pas oublier que le cinéma a pris ses premières leçons au théâtre. S'il s'agit vraiment de son ultime long-métrage, il n'aurait pas à en rougir. Il y aurait vraiment pire, comme adieux. É.N.
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Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau - À voir
Animation de Gints Zilbalodis - 1 h 25
Projeté à Cannes dans la section Un certain regard, ce surprenant chef-d'œuvre sensoriel et immersif raconte comment un chat se réveille dans un univers envahi par l'eau, alors que toute présence humaine semble avoir disparu de la surface de la planète. Fuyant la submersion de la maison où il s'abritait, ce félin au caractère bien trempé se réfugie sur un navire décrépit habité par un paisible rongeur (un capybara). Le voilier deviendra petit à petit une sorte d'arche de Noé, où le rejoindront d'autres animaux : un labrador, un lémurien (tout droit sorti de Madagascar) et un échassier blanc. Nulle trace d'êtres humains dans Flow, comme s'ils avaient mystérieusement cessé d'exister. Dans le film, les animaux ne parlent pas non plus. Ils se comportent comme des animaux. Flow pourrait-il être un anti-Disney ?
Film fantastique d'une fluidité à couper le souffle, Flow. Le chat qui n'avait plus peur de l'eau est une parabole marquante qu'on pourrait croire postapocalyptique. Onirique, imaginatif, toujours en mouvement, voici un film d'animation d'un nouveau genre. O. D.
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Sur un fil - On peut voir
Comédie dramatique de Reda Kateb - 1 h 56
La comédienne Aloïse Sauvage incarne Jo, une acrobate aérienne qui finit par chuter de sa corde. Jambe cassée. Impossible de retourner dans les hauteurs. Alors pour ne pas se retrouver sans revenu, elle rejoint l'association de clowns professionnels Nez pour rire qui sillonne les services pédiatriques. D'une activité de saltimbanque à une autre, la transition devrait être facile. Mais il n'en est rien. Comment trouver la fantaisie et la distance souhaitables pour créer un lien avec les enfants sans laisser sa sensibilité et ses velléités d'attachement prendre le dessus ? Pour façonner son personnage de Zouzou, Jo peut compter sur deux mentors : Gilles, alias « Poireau » (Philippe Rebbot), et Thierry (le nez rouge expérimenté Jean-Philippe Buzaud). Il y a du Jean Rochefort et du Buster Keaton dans leur tandem fantasque, prompt à casser les vitres, surveillé par Clémence, l'infirmière cadre du service (Sara Giraudeau). Ce portrait des clowns au chevet des enfants malades est délicat et poétique. À l'image de Reda Kateb qui réalise un périlleux numéro d'équilibrisme entre rire, légèreté et doux-amer. Elle filme au plus proche de l'instant, cherche les petits riens qui adoucissent le quotidien. C. J.
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