«La relation entre la France et l’Afrique ne peut pas être une éternelle rétrospective»
Les discours se suivent et les réactions se ressemblent. Nous assistons à un engrenage qui produit une sensible impression de déjà-vu. Un discours du président de la République française, prononcé à l’occasion de la conférence des ambassadeurs, dont il n’est retenu qu’une phrase, une émotion et une indignation collective sur le continent, et enfin une «viralisation» organisée qui sature et préempte tout débat.
Dans cette chorégraphie éculée, on peine à discerner les gagnants. Ils existent pourtant puisque nous voyons émerger une catégorie d’acteurs - dirigeants, influenceurs, experts autoproclamés - qui ont en partage le juteux commerce de la fracture et de la polarisation. Ces nouveaux rentiers du «clash» permanent auront-ils la politesse de dire merci, voire «spassiba» ? On peut également douter de leur gratitude. Pourquoi cette hystérisation est-elle si lassante ? Parce que l’outrance des discours s’est substituée à la vérité de l’action.
En matière de «reconnaissance» entre la France et le continent africain, puisque l’étincelle vient de là, les progrès n’ont jamais été aussi importants qu’au cours des dernières années. Des rapports ont été écrits, des paroles ont été posées, et s’il ne fallait retenir que l’exemple de l’engagement de la France au Rwanda, des responsabilités ont été attribuées. Certes, nous ne sommes pas au bout du chemin mais, comme nous l’avons vu encore ces dernières semaines autour de la mémoire des tirailleurs de Thiaroye, les lignes continuent de bouger dans le bon sens. Loin des vociférations, des archives s’ouvrent, des chercheurs français et africains travaillent ensemble, une mémoire partagée se construit.
Pour autant, la relation entre la France et le continent africain ne peut pas être une éternelle rétrospective. Ni la France, ni l’Afrique n’ont intérêt à être enfermées, pour l’une, dans la posture du coupable permanent, de victime de l’histoire pour l’autre. Mener des recherches sur le passé n’a de sens que s’il s’agit d’investir en parallèle dans l’avenir.
Le président de la République française a lui-même fixé un cap en se projetant dans une relation désormais centrée sur des partenariats économiques et non sur des coopérations sécuritaires. Ce cap est partagé par de nombreux dirigeants et acteurs économiques africains qui veulent une relation d’égal à égal avec la France. Pour concrétiser cette vision, nous n’avons pas de besoin de discours, encore moins de polémiques stériles. Nous avons besoin d’actions.
Nous avons, en France comme en Afrique, des acteurs engagés qui, au quotidien, saisissent les opportunités, échangent, créent, investissent. À l’image de la French-African Foundation et des différentes promotions de Young Leaders, les talents et les volontés ne manquent pas.
Il faut maintenant passer à la vitesse supérieure : organiser et projeter des filières d’entreprises, accompagner et sécuriser les investissements en Afrique des petites et moyennes entreprises, accélérer la formidable dynamique d’industrialisation à l’œuvre dans plusieurs zones franches sur le continent africain. Ce sont moins des bases militaires que des investissements dans son agriculture qui stabiliseront demain le Sahel. Ce sont des investissements volontaristes dans les infrastructures de l’intelligence artificielle qui garantiront la souveraineté africaine.
Moins de discours mais plus de dialogues, plus de rythme, plus de réussites concrètes : nous avons tout pour coproduire, entre la France et le continent africain, un haletant film d’action et non une terne rediffusion.
- Mamadou Goundiam est membre du comité de direction de la French-African Foundation, et directeur général exécutif de Jeune Afrique Media Group.
- Nachouat Meghouar est directrice générale de la French-African Foundation.
- Nelly Kambiwa est directrice globale de la responsabilité d’entreprise et de la durabilité chez Sopra Banking Software, Young Leader de la French-African Foundation.
- Mathias Léopoldie, est président-directeur général de Julaya, Young Leader de la French-African Foundation.
- Alexandre Coster est co-président de la French-African Foundation.