TEMOIGNAGE. "Notre terre, notre maison, ça m'avait beaucoup manqué" : ce prisonnier palestinien libéré raconte ses années de détention

Une foule en liesse les a accueillis à Ramallah en Cisjordanie et dans la bande de Gaza : 110 prisonniers palestiniens ont été libérés, jeudi 30 janvier par Israël, comme prévu par le cessez-le-feu. Depuis le début du processus, 400 d'entre eux ont déjà été libérés sur les plus de 10 000 détenus condamnés ou jugés dangereux que comptent les prisons israéliennes, d’après l’autorité palestinienne.

Parmi eux, Mohammed al-Arda, qui, depuis une semaine, a retrouvé sa maison de famille sur les hauteurs de la ville d’Aarraba, au nord de la Cisjordanie, après 23 ans passés en détention dans les prisons israéliennes. "C'est notre terre, c’est notre maison. Ça m’avait beaucoup manqué ! Je me sens en liberté : libre,  libre…", confie l'homme au visage émacié.

Marqué, son regard semble perdu dans le vague. "Je n’arrive pas à me reposer avec tout le monde qui vient me saluer… J'ai été reçu par ma famille, mon village, par mon peuple", sourit-il.

"Les gens sortaient de toutes leurs maisons pour nous filmer"

À 43 ans, Il assure en avoir fini avec la résistance armée. L’homme a été emprisonné pour son appartenance au Jihad islamique, mais il n’a pas tué. En 2021, il s’était évadé en creusant un tunnel avec 5 codétenus, évasion restée célèbre. Réincarcéré, placé à l’isolement... Il témoigne aujourd'hui de ces années de détention avant la liberté.

"Tu peux pas imaginer comment on a été frappés. Moi, ils m’ont atteint au visage. On m’a donné des coups de pieds, j’ai beaucoup saigné"

Mohammed Al-Arda

à franceinfo

Avant de revenir sur sa libération, le 25 janvier : "C’est juste à la sortie de la prison d’Ofer que j’ai compris que j’étais libre ! En s’approchant peu à peu de Ramallah, la foule était de tous les côtés. Les gens sortaient de toutes leurs maisons pour nous filmer. Ça nous a pris une heure d’arriver au centre. On est descendus des bus… Et la foule nous a célébrés."

"Je ne peux pas tout dire"

Parmi les milliers de Palestiniens présents ce jour-là, il y avait Ahmad Kassem Al-Arda, son frère. "Je l’ai pris dans les bras, je me suis mis à pleurer, j’ai même failli m’évanouir ! Maintenant, on est très inquiet qu’il retourne en prison, on veut qu’il reste. On est aussi inquiet pour son avenir. Il faut s’installer, se marier, on veut tous qu’il soit heureux", souligne l'homme. 

Un sursis plane en effet au-dessus de la maison à Arraba : un drone de l’armée israélienne et son bourdonnement se font entendre. Mohammed se sent observé. Il lui a été interdit par Israël de brandir des drapeaux palestiniens… "Je ne peux pas tout dire", conclut l’ancien prisonnier.