«Bloquons tout», grèves, gouvernement... Partir ou rester, le dilemme des touristes en septembre

Au parfum un peu âpre de la rentrée s’ajoute, en ce mois de septembre, un climat anxiogène. Entre appels à la grève les 10 et 18 septembre, au blocage pour ce début de semaine et la probable chute du gouvernement Bayrou, la France bruisse de tensions. S’il se confirme à nouveau que les Français épargnent davantage encore en temps de crise, l’activité touristique reste un indicateur tout aussi sensible de l’humeur nationale. Selon Atout France, au 4 septembre, près de la moitié des Français envisageaient un séjour d’ici à début novembre, dont 70 % sur le territoire national. Mais seuls 20 % avaient déjà réservé. C’est ce fossé qui pourrait inquiéter les professionnels : face aux incertitudes sociales et économiques, les «intentionnistes» passeront-ils à l’acte?

Du côté du Havre, Eric Baudet, directeur de la communication à l’office de tourisme, ne s’inquiète pas : «Il n’y a pas d’effet sur la région. Le 10 septembre ne tombant pas un week-end -mais un mercredi, NDLR-, les touristes ne renoncent pas à leur séjour. Le facteur déterminant reste avant tout la météo».

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Images en boucle

Les professionnels du secteur observent depuis plusieurs années que l’impact des grèves, même spectaculaires, demeure souvent circonscrit. En mars 2023, lors des mobilisations contre la réforme des retraites, la fréquentation touristique dans la capitale avait chuté de près de 24 %… mais uniquement sur les journées concernées.

Sitôt les banderoles rangées, les visiteurs reprenaient la route des musées et des boulevards. En revanche, les images de manifestations, diffusées en boucle à l’étranger, avaient nui à la fréquentation étrangère qui, comme on l’a vu cet été, reste clé pour notre pays. Et au départ des Français vers l’étranger, qu’ils voyagent en individuel ou via des agences de voyage, contraintes à de coûteuses reprogrammations. Alors, le «septembre social»2025 sera-t-il un repoussoir pour les voyageurs ?

Annulations le 18 septembre

Pour Valérie Boned, présidente du syndicat professionnel des Entreprises du voyage (EDV), cela semble le cas, mais avec une nuance importante . Le voyage dit de «loisirs» reste globalement stable. «Les clients ont déjà réservé et ne renoncent pas». En revanche, la dynamique du voyage d’affaires apparaît plus fragile. «Les entreprises ajustent leurs budgets et reportent parfois leurs déplacements. Ce phénomène ne touche pas les vacances en famille, mais peut réduire le trafic aérien et hôtelier professionnel pour les mois à venir. Les mois de septembre à novembre sont traditionnellement les plus chargés pour le voyage d’affaires, et toute incertitude peut peser sur cette période» complète-t-elle.

Même son de cloche chez le groupe Logis Hôtel, rassemblant près de 1700 hébergements partout en France. «On remarque déjà des conséquences sur les réservations, avec un pic de 59% d’annulations en plus enregistrées le 18 septembre par rapport à la même date l’an dernier, une tendance qui concerne surtout les voyages d’affaires», révèle Karim Soleilhavoup, directeur général du premier groupe français d’hôteliers-restaurateurs indépendants .

Autre phénomène remarqué : le mouvement «Bloquons tout», prévu le 10 septembre et partagé en masse sur les réseaux sociaux, aurait rebuté en majorité une clientèle internationale et de loisirs. «Cela devrait peser sur toute l’arrière-saison, et les effets se font déjà sentir cette semaine-là, avec une hausse de 30% des annulations en moyenne entre le 10 et le 13 septembre» développe également Karim Soleilhavoup. Le nord du pays, la Normandie, les Hauts-de-France et l’Île-de-France devraient être les régions les plus concernées par ces désistements.

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Dans le Sud, à l’inverse, l’inquiétude est moindre et les touristes d’affaires sont attendus avec impatience. «Ils représentent 30 % de la clientèle de nos hôtels en septembre, le quatrième meilleur mois de l’année en termes de fréquentation. Pour l’instant, nos prévisions pour l’hôtellerie restent meilleures qu’en 2024, avec en moyenne 6% de plus», affirme François de Canson, vice-président chargé du Tourisme de la région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Paris déserté en septembre ?

Si les grèves et manifestations devraient comme à chaque round social affecter la capitale, pour l’instant, les données de l’Office du tourisme «Paris Je T’aime» ne laissent rien présager de négatif. Au contraire, le mois de septembre s’annonce bon. «Avec une tendance globale à la dernière minute et à confirmer dans les prochaines semaines, les réservations aériennes à date sont supérieures de 9% à celles de septembre 2024 (soit 500 000 réservations attendues)», indique l’office de tourisme parisien dans son baromètre de l’arrière-saison 2025.

L’angoisse ne semble pas non plus gagner les professionnels du tourisme parisiens. «Les voyageurs étrangers avec qui je travaille ne m’en parlent jamais», assure Eric, qui dirige depuis 15 ans «Eric in Paris», organisant centaines de visites de la capitale en 2CV ou en Tuktuk. Pourtant, il reconnaît que sa clientèle a diminué par rapport à 2023 et se dit pessimiste pour l’automne, sans pour autant blâmer pas les contestations sociales. «Elles font partie de l’image d’Épinal de la France, on ne peut pas s’en séparer», conclut-il.