« Nous sommes là pour dire : N’oubliez pas », à Buchenwald, avec les mots de Jorge Semprun, la jeunesse franco-allemande devient passeuse de mémoire
Il y a le silence. Celui, tout particulier, d’un camp de concentration vide, un silence lourd de tous les morts, ces 56 000 hommes, femmes et enfants tombés de froid, de faim, d’épuisement ou de maladies, pendus ou fusillés, entre 1937 et 1945. Puis il y a un autre silence, actif, tendu celui-là, celui gardé par une petite foule de jeunes gens debout dans le vent et le noir de la nuit thuringienne. Il est brisé par une voix : « Nous partagions cette mort qui s’avançait, obscurcissant leurs yeux, comme un morceau de pain. »
Les mots sont ceux de l’écrivain et résistant communiste Jorge Semprun. Ils projettent, sur le décor presque vide de ce camp allemand transformé en mémorial, à quelques kilomètres de Weimar, sur la colline d’Ettersberg, les souvenirs d’un autre temps. Celui où les détenus – résistants, juifs, Roms, homosexuels ou individus considérés comme marginaux – s’entassaient par dizaines de milliers.
Semprun a mis quarante ans à pouvoir mettre au monde l’Écriture ou la vie. C’est le suicide de Primo Levi, le 11 avril 1987, mois de commémoration de la libération, qui ramène l’Espagnol à sa propre mort. Dans son récit, Semprun raconte son expérience de la déportation, de janvier 1944 à avril 1945. Il dépeint le réseau de résistance communiste à l’intérieur du camp et la solidarité organisée, évoque l’humanité qui point au milieu de l’indicible.
Tous ont révélé, ici, des sensibilités fortes
Loïc a 21 ans, et quand il dit son bout de texte, tout en force contenue, le temps se suspend. Il est l’un des 30 interprètes choisis par Jean-Baptiste Sastre et Hiam Abbass pour dire les mots de Jorge Semprun, à l’endroit même où l’auteur fut déporté. Trente jeunes entre 18 et 27 ans, pour la plupart hors des circuits du théâtre, pour certains hors des rails des...