Algérie : Boualem Sansal placé sous mandat de dépôt par le parquet antiterroriste
Alger
Boualem Sansal a été entendu par le parquet antiterroriste d’Alger et placé sous mandat de dépôt ce mardi 26 novembre, selon son avocat. L’arrestation de l’écrivain franco-algérien avait été confirmée vendredi par l’agence de presse officielle algérienne, l’APS, qui n’avait pas donné plus de détails.
Boualem Sansal, «qui s’était rendu à Alger en confiance, est aujourd’hui placé en détention en vertu de l’article 87 bis du Code pénal algérien qui réprime l’ensemble des atteintes à la sûreté de l’État», a indiqué Me François Zimeray, son avocat en France. «La privation de liberté d’un écrivain à raison de ses écrits est un acte grave», «quelles que soient les blessures invoquées et les sensibilités heurtées», a-t-il observé.
Selon El Moudjahid, média officiel du gouvernement, Boualem Sansal sera poursuivi pour plusieurs chefs d’inculpation, notamment «atteinte à l’intégrité et à l’unité nationales et aux institutions de l’État». L’écrivain risque à ce titre la peine de réclusion à perpétuité.
«Le Code pénal algérien au-dessus de tous»
Plusieurs sources de son entourage ont rapporté qu’il avait été interpellé samedi 16 novembre à l’aéroport d’Alger. Il n’avait, depuis, donné aucune nouvelle à ses proches qui s’inquiètent maintenant pour sa santé.
L’auteur de Vivre – son dernier roman de science-fiction sorti en 2024 – est aussi connu pour ses positions critiques à l’égard du pouvoir algérien. Jusqu’à cet automne, il n’avait jamais été inquiété par les autorités de son pays. Son arrestation aurait été motivée par l’entretien accordé au média français d’extrême droite Frontières. Il y reprend la position marocaine selon laquelle le territoire du pays aurait été tronqué sous la colonisation française au profit de l’Algérie.
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«Le Code pénal algérien est au-dessus de tous, a rappelé un documentaire diffusé dimanche soir par la télévision nationale intitulé «Des serviteurs d’agendas occidentaux et marocains». Il s’agit de la loi d’un État qui considère l’atteinte à son unité comme un crime et un acte terroriste. Boualem Sansal n’est qu’un ‘’agent’’ sous couvert d’écrivain, que la morale et la culture n’ont pas pu éduquer.»
En Algérie, si l’opinion publique condamne assez unanimement les propos tenus par Boualem Sansal, certains Algériens reconnaissent à visage découvert sur les réseaux sociaux que cela ne mérite toutefois pas la prison. Une enseignante s’interroge ainsi sur Facebook : «La souveraineté nationale est-elle donc si fragile pour être ébranlée par les déclarations d’un écrivain que n’importe quel historien est en mesure de réfuter ?»
L’opinion publique algérienne divisée
De manière assez unanime, les Algériens s’insurgent aussi contre la mobilisation des médias et de la classe politique français pour défendre l’écrivain. «Les amis de l’Algérie vent debout pour exiger la libération de Sansal. Ajoutez le fait que l’alerte a été donnée par son ‘’ami’’ Xavier Driencourt, et vous pouvez conclure qu’avec tous ces soutiens, on risque d’avoir des manifestations populaires en Algérie pour exiger que Boualem Sansal soit maintenu en détention», ironise l’éditorialiste Abed Charef.
«Boualem Sansal réhabilite le récit colonial et ses contre-vérités historiques et ne mesure pas à quel point il est irrespectueux du sentiment national. Il sait aussi que son arrestation le servira et desservira l’image de l’Algérie à l’étranger», a commenté sur X l’ancien ministre et ex-ambassadeur Abdelaziz Rahabi.
«Boualem Sansal a été profondément ingrat vis-à-vis du pays qui avait adopté son père, l’avait instruit, formé, y compris à l’étranger et lui avait offert les salons des ministères, a aussi déclaré Soufiane Djilali, leader du parti Jil Jadid (Génération nouvelle, opposition) en nuançant : Malgré cela, il ne faut pas encombrer notre justice avec de tels individus. L’histoire le jettera au rebut plus vite encore qu’il n’a été préfabriqué par ses parrains.»
Parmi les partis politiques, le MSP (islamistes) s’en est pris, par la voix de son président Abdelali Hassani Cherif, à la France qui «mène une campagne contre l’Algérie aux multiples dimensions, dont une dimension culturelle, en encourageant des figures telles que le francisé sionisé Boualem Sansal, Kamel Daoud (…) dans leurs écrits remettant en question l’unité de la nation et son histoire».