Trump célèbre l’armée à Washington pendant que ses opposants manifestent à travers les États-Unis
Trump a eu son défilé. Son public était enchanté. Musique et drapeaux en tête, plusieurs milliers de soldats ont marché samedi le long de l’avenue de la Constitution, dans le centre de Washington, sur le Mall National. Le temps était couvert, mais les averses annoncées se sont transformées en ondées. Les premiers soldats étaient en uniformes de la guerre d’Indépendance avec tricornes et guêtres à boutons. D’autres détachements ont suivi, vêtus de diverses tenues historiques de l’Armée américaine, dont la cérémonie fêtait le 250e anniversaire.
À la cavalerie de la Conquête de l’Ouest ont succédé les Doughboys de la Première guerre Mondiale, les GI’s de la Seconde, ceux de la guerre de Corée, et du Vietnam, suivis par l’armée américaine contemporaine.
Après les chevaux et les prolonges d’artillerie ont roulé les véhicules, jeeps, chars et blindés de plus en plus modernes et de plus en plus gros, dont les chenilles avaient été munies de patins en caoutchouc pour épargner le macadam. Tous sont passés devant la tribune officielle érigée sur le bord du parc de l’Ellipse, devant la Maison-Blanche. Trump les a salués, debout, solennel, aux côtés de son Vice-président, JD Vance, et de son Secrétaire à la Défense, Pete Hegseth.
« Trump, nous t’aimons ! »
La foule était rassemblée de l’autre côté de l’avenue, sur les pelouses au pied de l’obélisque du Monument de George Washington. Les casquettes rouges MAGA étaient inhabituellement nombreuses dans une capitale fédérale où Trump n’est pas très populaire. Mais les rues étaient presque désertes, et un grand nombre d’habitants avait quitté la ville.
L’assistance était surtout composée de visiteurs, qui avaient fait le voyage depuis d’autres états pour assister à l’évènement. «Ma femme voulait voir Trump », dit Dominic D. venu en couple depuis le Connecticut. « C’était l’occasion ou jamais », dit-il. Il porte un tee-shirt avec le slogan : « La liberté n’est pas gratuite ». Son épouse a noué un drapeau américain sur ses épaules.
L’atmosphère tourne parfois un peu au rassemblement électoral. L’arrivée de Trump est saluée par des vivats. « Trump, nous t’aimons ! », crient des gens. Ou bien « USA ! USA ! », cri de ralliement des meetings de Trump.
Mais l’ambiance est dans l’ensemble plutôt détendue. Des familles avec enfants pique-niquent en suivant le défilé sur les écrans géants. La plupart des spectateurs sont surtout là pour admirer le matériel militaire. Malgré le plafond nuageux, des aéronefs, avions et hélicoptères ont traversé le ciel, et un stick de parachutistes a été largué au-dessus du parc.
Un défilé sous haute tension
Le président, qui fêtait aussi son 79e anniversaire avait tenté d’imposer ce défilé lors de son premier mandat, après avoir assisté à celui du 14 juillet 2017 à Paris aux côtés d’Emmanuel Macron. Son cabinet de l’époque, qui comptait de nombreux anciens généraux, s’était montré peu enthousiaste et l’en avait dissuadé. Trump l’a finalement obtenu avec son retour au pouvoir.
Les démocrates avaient dénoncé par avance une démonstration de force, et une pratique contraire aux traditions américaines, comparant même la parade à celles organisées en Russie ou en Corée du Nord.
L’atmosphère particulièrement tendue à travers les États-Unis avait avivé les craintes. Le week-end précédent, Trump avait fédéralisé la Garde nationale de Californie contre l’avis du gouverneur, Gavin Newsom, et avait déployé les soldats dans le centre de Los Angeles pour renforcer la police de la ville face à des manifestations contre les arrestations de migrants clandestins par l’agence de l’immigration ICE.
Les débordements, violents, mais limités à quelques rues du centre-ville ou aux parkings où avaient eu lieu les arrestations, avaient été présentés par le président comme une quasi-insurrection. Les images de voitures en feu et de manifestants masquées diffusées en boucle sur Fox News et sur X étaient venues appuyer cette description apocalyptique, alors que la police de Los Angeles, le LAPD, n’avait jamais perdu le contrôle de la situation.
Les menaces d’arrestation lancées contre le gouverneur Gavin Newsom par un membre du cabinet de Trump en début de semaine ont été suivies par un discours prononcé par Trump devant des soldats en uniforme sur la base de Fort Bragg en Caroline du Nord, où il a fait huer le gouverneur démocrate et l’ancien président Joe Biden. Jeudi, la brève arrestation du sénateur de Californie Alex Padilla, menotté sans ménagement par les gardes du corps de la Secrétaire à la sécurité intérieure Kristi Noem pendant une conférence de presse a accru les inquiétudes.
Le meurtre d’une élue démocrate
Puis, samedi à l’aube, les craintes de violences politiques se sont matérialisées avec l’assassinat d’une représentante démocrate du Minnesota et de son mari à leur domicile de Minneapolis, et les graves blessures infligées par le même tueur à un autre élu démocrate et son épouse.
Augmentant encore les risques de dérapages, des manifestations de protestation ont été organisées samedi dans tous les États-Unis sous le slogan No King (« pas de roi »), en parallèle avec le défilé de Washington. Les organisateurs avaient cependant exclu la capitale fédérale pour éviter les incidents. Ces manifestations auraient rassemblé selon les organisateurs quelque 5 millions de personnes. L’incident le plus grave aurait eu lieu à Salt Lake City, où une personne a été blessée par balle.
À Washington, quelques panneaux dénonçant une « tyrannie » promenés dans la foule n’ont pas perturbé le défilé, dont la tonalité était moins politique que ne le craignaient les critiques. Le commentaire des haut-parleurs a surtout célébré les faits d’armes des forces armées américaines, y compris pour « défendre la démocratie », et a salué les campagnes d’Irak ou d’Afghanistan, que dénonce pourtant volontiers Trump.
Trump menace les «ennemis de l’Amérique»
Sur les écrans sont même apparus des soldats féminins ou issus de minorités, que le nouveau secrétaire à la Défense Pete Hegseth accuse d’avoir contribué à réduire la combativité des troupes. La voix a même fait applaudir le passage de pièces d’artillerie tractées en expliquant que les canons étaient actuellement déployés « en Ukraine », guerre pourtant très critiquée par le courant MAGA. Et si Trump est apparu à plusieurs reprises dans les petites vidéos en tant que commandant en chef, il s’est abstenu dans son discours de polémiquer ou de dénigrer les démocrates ou d’autres présidents.
« Les autres pays célèbrent leurs victoires, il était grand temps que l’Amérique le fasse », a lancé Trump. Il a aussi menacé les « ennemis de l’Amérique » : « Si vous menacez le peuple américain, nos soldats viendront vous chercher… votre défaite sera certaine, votre disparition sera définitive, et votre chute sera totale et complète. »
Si le commentateur a évité de parler de l’anniversaire de Trump, le vice-président JD Vance lui a souhaité un joyeux anniversaire, et la foule a chanté « Happy Birthday » à tue-tête après son discours. Le chanteur Lee Greenwood, dont la chanson « Fier d’être un Américain » est l’un des hymnes du mouvement MAGA. À la nuit tombée, un feu d’artifice a terminé sur une note moins tendue une journée à haut risque.