On a testé une soirée Chez Michou transformé en comedy club par Gad Elmaleh

Montmartre. Dans la nuit, le néon rose bonbon «Michou» brille de loin. En remontant la rue des Martyrs, on sourit déjà. La Grande Eugène, Phosphatine, Miss Glassex,...les transformistes seniors qui imitaient Dalida en playback, sont partis avec leurs valises plumes-strass-boys depuis un bon moment déjà. En octobre dernier, Gad Elmaleh et Karim Kachour patron du Paname, l’un des meilleurs comedy clubs parisiens, ont repris Chez Michou à la barre du tribunal de commerce de Paris.

Avant l’ouverture officielle datée au 27 mars prochain, les deux associés testent sans publicité leur comedy club devant un public restreint. Comme le site officiel n’existe pas encore, il faut aller sur la billetterie de welovecomedy.fr. Pour l’heure, comptez 18 euros le jeudi, 20 euros le vendredi et 25 euros le week-end. L’idée est la même que dans les autres comedy clubs : un MC (maître de cérémonie) chauffe la salle. Sur la scène sans décor, des humoristes se succèdent au micro toutes les dix minutes et font rire en racontant leur quotidien. Seuls quelques noms d’artistes sont annoncés sur l’affiche. Les autres, c’est la surprise du chef. Cela peut être Gad Elmaleh, Roman Frayssinet ou encore le génial Nino Arial dont la tournée des Zéniths en 2025 s’annonce complète.

« Destination Michettes »

Ce jeudi 6 février, à 19 h 30, la porte du célèbre cabaret parisien est ouverte. On passe une tête. « Peut-on grignoter avant le show à 20h30 ? » Malheureusement non. « Vous pouvez prendre un verre au bar mais pour l’instant, nous avons seulement des chips. » Un tour par un bistrot voisin et nous voilà de retour à 20 h 15. Gad Elmaleh avait prévenu : « Je ne change rien au décor. » Il a eu tellement raison. Ceux qui n’avaient jamais poussé la porte de ce haut lieu des nuits parisiennes vont découvrir un écrin intimiste plein d’âme, kitch au possible. Les murs sont tapissés de photos des célébrités venues s’encanailler. Yves Mourousi, Liza Minnelli, Nana Mouskouri... Autant de noms que les moins de 35 ans ne peuvent pas connaître. L’occasion de leur raconter et d’expliquer l’importance de ce lieu ouvert en 1956, à une époque où les homosexuels devaient se cacher. Au bar, une immense photo attire l’œil. Le monsieur au brushing décoloré, entièrement vêtu de bleu qui nous observe derrière ses grandes lunettes fumées -bleues-, c’est justement Michou décédé à 88 ans en 2020.

Sur la droite, les banquettes rouges font toujours le tour de la petite salle. On retrouve les miroirs anciens chinés par l’ancien maître des lieux, la boule disco au plafond et la mini-scène pailletée de rouge surplombée par le bandeau « Destination Michettes». Ce soir, une soixantaine de spectateurs ont poussé la porte. Le public est assez hétérogène. Entre 25 et 65 ans. Des étudiants en école de commerce côtoient des commerciaux seniors en goguette, des couples, quelques familles. Des francophones originaires de Roumanie, Turquie, République tchèque, Allemagne, Algérie, Maroc et de Suède s’ajoutent à ce joyeux melting-pot.

Chez Michou reprend du service sans ses michettes. Mais on veut toujours rire dans le plus célèbre des cabarets de Montmartre. Léna Lutaud

Le temps de siroter un verre au son de We are the World (1985) et I’m So excited (1982) et le noir se fait. « Bonsoir les Michous ! Ce soir, pas de Dalida, lance Tareek, humoriste de 46 ans, originaire de Montreuil dans l’est parisien et MC pour ce soir. Merci de ne pas prendre de photos ni de vidéos car on va tester de nouvelles choses devant vous. » Il interpelle les spectateurs assis à moins de deux mètres de lui : «Tiens, un collègue en civil au premier rang. Toi à côté, en cravate costume, tu es en after work ? Tu t’appelles comment ? » Le garçon répond « Ahmed » en aspirant le « h ». Tareek a trouvé sa cible pour la soirée. « Sympa, un vrai radicalisé. Il est venu regarder les plans du théâtre. Il est venu sur le terrain avec son binôme en stage radicalisation. Ici, c’est une petite salle, demain ce sera le Bataclan. Toi c’est islam, moi c’est Islande. Je suis dans ton équipe mais moi dans la section modérée », s’amuse-t-il. La salle rit, timidement. « Vous êtes un public Télérama, soupire Tareek. Ça va être très raciste mais ça fait rire les blancs. » « Qui vient de province, qui était déjà venu ici ? », demande-t-il. Personne n’ose lever la main...

Les vannes du MC Tarrek

À 20 h 53, un second pro du stand-up, Azedine Bendjilali dit AZ saute sur scène. Issu de Canal+, il raconte ses récentes vacances en club en Thaïlande. La très drôle Elsa Barrière, 50 ans, prend sa suite. En tailleur pied-de-poule, cette ancienne hôtesse de l’air qui « s’embrouille avec tout le monde » tacle les psys, Anne et le faux Brad Pitt, François Bayrou, Jean Lasalle, Sandrine Rousseau et Jean-Marie le Pen. « Les banquiers sympathiques, c’est comme Anne Hidalgo à Porte La Chapelle, ça n’existe pas». Sa punchline déclenche une salve d’applaudissements. Le public s’est réveillé et rit franchement. La soirée décolle. À la programmation, Karim Kachour a veillé à respecter la parité. À 21h11, une autre fille attrape le micro. C’est Camille Lellouche. La vedette rode son stand-up en vue de son retour sur scène. Huit minutes plus tard, Aziz de Casa lui succède. Ce Marocain arrivé à Paris en 2019 interpelle un garçon dans le public : « Houcine ta mère est au courant que tu es dans un club de travelos ? Dans ce quartier, il n’y a pas d’Arabes, tu as cru que tu pouvais faire ce que tu voulais ? » Et de raconter ses débuts et le premier coup de fil de Gad Elmaleh.

21h33. Tareek revient avec un sketch osé mais très drôle sur les nains. Il a été validé « par mon copain Farid qui fait sa prière sur un ticket de bus ». 21h45, Nathalie Boitel, 36 ans, enchaîne avec la communication dans le couple. Dans le public, plusieurs spectateurs sont mariés depuis 24- 36 ans. Elle est bluffée. 21h53, Nordin Ganso a droit à un maximum de bruits. Lui raconte la détresse des garçons face aux filles. 22h03, le MC reprend le micro. Il s’excuse auprès d’Ahmed de l’avoir taquiné pendant toute la soirée. Quand ce dernier dévoile être un étudiant en septième année de médecine, la salle applaudit à tout rompre. Tareek interroge les uns et les autres pour savoir ce qui pourrait être amélioré. « Des sachets de bonbons, du hoummous en plus des petits sacs de chips». On rit un peu jaune face au prix de la bière (7,50 euros) et des chips (4 euros).« Ça, c’est pour une association, celle qui veille au bien-être de Gad et Karim », vanne l’humoriste. La lumière se rallume. La soirée était parfaite, l’ambiance fort sympathique et le niveau des artistes relevé. Gad Elmaleh et Karim Kachour ont réussi leur pari haut la main. On reviendra souvent et avec plein d’amis, c’est promis.