Haute horlogerie : quand l’innovation réinvente l’artisanat d’art

Une manufacture horlogère est un lieu paradoxal où les temps se percutent. Si l’on y répète des gestes hérités du passé, les nouvelles technologies et les nouveaux matériaux font entrer l’avenir dans les ateliers. L’horlogerie met l’ingénierie au service de la tradition, comme le souligne Jean-Christophe Sabatier, responsable produit chez Ulysse Nardin : « Nous partageons des savoir-faire et des fournisseurs avec d’autres secteurs tels que l’industrie biomédicale ou spatiale. Cette recherche est essentielle, car nous portons une double promesse : celle de la préservation des traditions et des savoir-faire, mais aussi celle d’une quête permanente d’excellence et de progrès. »

Oris ProPilot Altimeter « Mission Control », créée avec Bamford Watch Department.Ulysse Nardin Freak X Crystalium, au cadran en ruthénium cristallisé. Oris / Ulysse Nardin

Titane, carbone, céramique haute technologie, cartothèque, Quartz TPT… Les matériaux issus des industries de pointe ont fait leur entrée dans l’horlogerie. Introduite par Rado en 1986, la céramique haute technologie a gagné ses lettres de noblesse. Le carbone, lancé par Richard Mille en 2013 avec la RM 35-01 Rafael Nadal, est désormais en collection partout ou presque. Légers et résistants, ces matériaux élargissent le champ des possibles, techniquement et esthétiquement. Au début du XXIe siècle, l’introduction du silicium avait fait l’effet d’une révolution en neutralisant les effets du magnétisme sur le spiral. Couplé au balancier, ce petit ressort donne le tempo d’une montre : c’est de lui que dépend sa précision. À l’automne 2025, TAG Heuer a dévoilé un spiral en composite de carbone construit atome après atome en trois dimensions. Amagnétique, insensible aux caprices du climat, robuste, ce composant est intégré dans les mouvements des nouvelles TAG Heuer Carrera Chronograph Tourbillon Extreme Sport TH-Carbonspring et Monaco Flyback Chronograph TH-Carbonspring, deux garde-temps futuristes réalisés en carbone forgé.

TAG Heuer Carrera Chronograph Tourbillon Extreme Sport et t Monaco Flyback Chronograph, au spiral en composite de carbone. Bell & Ross BR-X3 Night Vision. TAG Heuer / Bell & Ross
Passer la publicité

Fabriquée en composite fait de fibre de carbone et d’un polymère, la ProPilot Altimeter « Mission Control » d’Oris imaginée avec Bamford Watch Department, se tourne quant à elle vers de nouveaux horizons. Réalisée par une émanation de l’université ETH Zurich, la boîte de cette montre est inédite en horlogerie. Son procédé de fabrication, plus écologique, lui confère un aspect « cernes d’arbre » unique. Les nouveaux matériaux n’ont pas que des qualités fonctionnelles. Leurs propriétés stimulent aussi l’imagination des designers. C’est le cas chez Bell & Ross. Version musclée et futuriste de la BR-03, la BR-X3 Night Vision est dotée d’une boîte faite d’un mélange de fibre de carbone et de résine luminescente, qui produit un halo vert évoquant l’éclairage nocturne d’un cockpit.

Czapek Antarctique Frozen Star S. Un procédé breveté d’or polychrome signé Audemars Piguet. Marc AMIGUET / Czapek

Des matériaux et effets inédits

Révolutionnaire par tradition depuis son lancement en 2001, la Freak d’Ulysse Nardin ajoute à la complexité de sa mécanique horlogère celle de la fabrication du cadran des 50 pièces de l’édition limitée Freak XCrystalium. Le procédé de cristallisation du ruthénium (un métal rare de la famille du platine) utilisé ainsi que l’application d’un vernis à la main font entrer les arts décoratifs dans une nouvelle ère. « Ce qui définit l’artisanat d’art, c’est la recherche de la perfection, de l’exclusivité et de l’originalité, que ce soit par le travail de la main ou celui de la machine », avance Jean-Christophe Sabatier. L’effet obtenu est captivant, tout comme celui de l’Antarctique Frozen Star S de l’horloger Czapek, une édition limitée à 38 exemplaires dont le cadran en osmium cristallisé révèle les reflets gris-bleu de ce métal rare. Enfin, si vous pensiez avoir tout vu en matière d’or, Audemars Piguet n’a pas fini de vous surprendre. Dévoilé en 2024, son prototype de la Royal Oak Chroma Gold utilise un procédé breveté pour créer un or polychrome inédit en associant or jaune, or rose et or gris.