«Ils les portaient à la cour de Versailles?!» : les traditionnelles charentaises trônent à la boutique du MoMa à New York

Elles trônent au milieu du magasin. Avec leur couleur jaune canari (et bordure prune), impossible de les rater. Ce colori a-t-il été choisi par le MoMa en clin d’œil au Roi-Soleil ? L’histoire ne le dit pas mais les visiteurs de passage s’amusent beaucoup d’apprendre par les vendeurs que «ces chaussons produits en France ont été conçus à l'origine pour que les membres de la cour de Louis XIV puissent se déplacer sans bruit dans le palais». «Les charentaises étaient vraiment portées au château de Versailles?», demande une cliente du Minnesota. Si Olivier Rondinaud, propriétaire de la manufacture du même nom qui les fabrique, était à New York -et non à La Rochefoucauld en Charente-, il aurait pu lui préciser «que le deuxième surnom de ce chausson est ’la silencieuse’ et que sa semelle de feutre était assurément portée dès la fin du XVIIe siècle par les domestiques dans les maisons de maître pour ne pas déranger, et pour briquer les parquets». 

Aujourd’hui, dans le magasin du musée d’art moderne de New York, ce grand classique français prend des airs pop, mêlé au reste de la sélection d’automne du Design store du MoMa. Entre une lampe de chevet en plastique plissé multicolore de Sean Kim, un sac arc-en-ciel Pleats Issey Miyake, une console vert pomme USM, les charentaises de Rondinaud collent parfaitement au thème de la saison du magasin «Happiness in Every Hue» (soit «Le bonheur dans toutes les teintes») inscrit en lettres capitales sur le mur d’entrée.

La boutique du Moma et sa sélection colorée qui vise à «inspirer bonheur et optimisme». EB

«Nous les avons reçues il y a deux semaines, et vendons deux ou trois paires chaque jour, majoritairement à des femmes entre 40 et 50 ans», indique le jeune vendeur. Sans compter celles vendues sur leur site. «Quand j’ai reçu leur mail l’an dernier pour la première commande, j’ai d’abord cru à un canular, pire à une arnaque... se souvient Olivier Rondinaud, arrière-petit-fils des fondateurs de cette maison fondée en 1907. Méfiant, j’ai mené ma petite enquête et leur demande s’est avérée très sérieuse. » Il y a un an donc, les Américains recevaient 800 paires, en bleu roi et jaune canari (deux coloris de la gamme existante), qui se sont écoulées en quelques jours. Rebelote, cette année, avec des quantités augmentées : 1200 paires ont traversé l’Atlantique par bateau avant l'été pour arriver à Manhattan.

Les Américains, comme les Français depuis des décennies, apprécient apparemment que la fabrication des charentaises -«image d’Épinal du Français avec son béret, sa baguette et sa bouteille de vin, mais devenu un produit bobo», souligne Olivier Rondinaud- soit quasi inchangée depuis un siècle : grâce au point-tournage, la semelle est cousue et montée à l'envers sans utiliser de colle. 

«Saviez-vous que New York il y a 500 ans s’appelait la Nouvelle Angoulême? demande enfin le patron qui habite à vingt kilomètres de la préfecture de la Charente. Je pense que même au MoMa ils ne le savent pas, mais c’est drôle quand même ! Au printemps dernier, le maire d’Angoulême a été invité à Manhattan pour célébrer cet anniversaire!» Une autre bonne histoire à raconter aux visiteurs de la boutique du musée.