«À 12 ans, je ne nageais qu’une fois par jour, et encore»… Le cas Yu Zidi «interpelle» Camille Lacourt
Camille, que vous inspirent les performances de Yu Zidi à l’âge de 12 ans ?
Camille Lacourt : C’est évident que ça m’interpelle. C’est une question que je me pose depuis deux jours maintenant, depuis que je l’ai vue en demi-finales du 200m 4 nages, et que je n’ai pas la réponse. En fait, les questions qui me viennent surtout, c’est comment a-t-elle fait, lors des Championnats de Chine, pour encaisser en une semaine trois 200m papillon, trois 200m 4 nages et trois 400m 4 nages. Pour cela, il faut quand même avoir effectué beaucoup de boulot derrière. Depuis combien de temps s’entraîne-t-elle dix à douze bornes par jour ? Tout ça est assez curieux, tout ce qu’il y a derrière. Après, je ne sais pas, c’est une autre culture de toute façon. Je n’ai pas forcément de réponse, je n’ai pas forcément de jugement. Je dis juste que ça pose question et que c’est quelque chose sur lequel il faut se pencher assez rapidement.
Dans l’absolu, êtes-vous inquiet quant à son avenir et sa capacité à durer ?
Je ne connais rien de la vie de cette jeune demoiselle. C’est vrai qu’au premier abord, je dirais que c’est très prématuré d’arriver à un tel niveau, à un tel âge. Ensuite, c’est peut-être juste un génie qui arrive et qui a un feeling avec l’eau extraordinaire, une athlète hors pair comme on en découvre une tous les 100 ans. Je ne sais pas… C’est juste qu’elle est très jeune et qu’il faut faire attention à tout ça. Mais je n’ai pas toutes les données nécessaires pour pouvoir me forger un avis plus concret, plus tranché. Son cas me questionne énormément, mais je n’ai pas les compétences ni les données pour aller plus loin.
Est-ce que le fait qu’elle vienne de Chine pose encore un peu plus question ?
Si vous faites référence au dopage, j’avais eu des positions très tranchées à une époque qui s’appuyaient sur des contrats antidopage positifs. À l’époque, je ne disais rien d’autre que des choses qui ont été avérées. J’aime espérer qu’à 12 ans, on n’en est pas encore là. Clairement.
On espère que pour elle, ça va aller bien jusqu’à ce qu’elle soit complètement construite.
Camille Lacourt
Ne serait-ce pas comme une nouvelle forme de dopage que de pousser des enfants à se surentraîner ?
(Sourires) Ce serait quoi alors, une Biowoman ? Ils l’ont testée génétiquement quand elle avait 3 ans et ils ont changé ses gènes. Ok, ça peut être une bonne série sur Netflix. Plus sérieusement, je ne sais pas. C’est trop nouveau et je n’ai pas le recul nécessaire pour affirmer des choses de manière péremptoire. Le seul truc qui me vient, c’est que c’est ouf.
À 12 ans, vous, auriez-vous pu encaisser une énorme charge de travail ?
À 12 ans, je ne nageais même pas deux fois par jour (rires). Je ne nageais qu’une fois par jour, et encore. C’était à l’époque où j’étais très grand et très maigre donc musculairement, ça n’aurait pas tenu. Après, on est tous différents. En plus, je suis vraiment un contre-exemple niveau précocité. J’ai commencé à gagner à 25 ans. Ça a été très long pour moi avant d’y arriver. Maintenant, c’est vrai que dans tous les cas, ça reste très jeune. On n’a pas beaucoup de données. Malheureusement, on n’en aura certainement pas beaucoup non plus dans le futur. Mais on va suivre ça avec attention. On espère que pour elle, ça va aller bien jusqu’à ce qu’elle soit complètement construite.