Avec ses droits de douane sur les films produits à l’étranger, Donald Trump s’invite au 78e Festival de Cannes

Lors du Festival de Cannes 2024, Donald Trump était sur les écrans de la Croisette avec la sélection en compétition de The Apprentice d’Ali Abbasi, portrait de jeunesse du président américain, campé par un étonnant Sebastian Stan. L’ombre du magnat pèsera à nouveau sur l’édition 2025, qui commence mardi prochain. Sa proposition sur des droits de douane de 100% visant les «films étrangers» sera de toutes les conversations des producteurs, réalisateurs, talents, agents convergeant sur Cannes pour assister aux projections et participer au marché du film où de nombreux projets à l’affiche prestigieuse en quête de financement ou de distributeur sont présentés.

Les modalités autour de ces droits de douane, qui visent en première ligne les productions américaines choisissant de tourner en Europe, en Océanie ou au Canada pour bénéficier des avantageux crédits d’impôts en vigueur, restent inconnues. Certains se demandent si le président ira jusqu’au bout d’une mesure qui déstabilisera tout l’écosystème de production hollywoodien. Notamment le secteur des films indépendants, dépendant des corproductions, et celui des distributeurs comme Mubi ou Neon acquéreurs de nombreux films internationaux primés aux Oscars comme Parasite et Anatomie d’une chute. L’industrie est «en alerte rouge», note le site spécialisé Deadline, citant plusieurs habitués du marché cannois.

« Quelle bombe à la veille de Cannes ! La simple possibilité de droits de douane crée une incertitude inutile pour le marché américain, qui commençait tout juste à montrer des signes encourageants de reprise après les grèves », confie au site un vendeur européen. «Les mesures de Trump affectent déjà les ventes en Chine, mais cela réduirait l’ensemble du marché mondial. Les acheteurs refuseront de payer les garanties minimales en cas de taxe sur les films présents à Cannes ou sur ceux qu’ils ont déjà acquis. Cela impacte les accords de distribution nationaux, mais aussi les acteurs financiers qui investissent dans le cinéma, car leurs films vaudront soudainement moins cher. Nous ne pourrons plus produire de films avec les mêmes budgets, les acteurs ne percevront pas les mêmes cachets. Cela détruira le secteur indépendant», s’alarme, de son côté, le patron d’une société de production américaine majeure.

D’après la presse, Donald Trump aurait décidé d’intervenir sur le sujet après avoir passé le week-end avec Jon Voight, un de «ses ambassadeurs à Hollywood». Face aux tournages qui se raréfient aux États-Unis et particulièrement en Californie en raison du coût de la main-d’œuvre élevé, la vedette de Macadam Cowboy plaidait pour un crédit d’impôts fédéral (solution qui avait la faveur des studios) et des traités de coproduction avec l’étranger. Jon Voight ne préconisait l’usage de droit de douane que de manière «limitée».

Vers la fin de la prudence ?

L’ingérence de Donald Trump dans le septième art américain encouragera-t-elle l’émergence sur la Croisette de prises de position politiques ? En mars aux Oscars, la discrétion des nommés et des gagnants avait frappé. La prudence et l’attentisme semblaient de mise malgré les coups de butoir du magnat sur les programmes pro diversité des studios. Cela pourrait être différent sur la Croisette, où est attendu Robert de Niro, à qui est remis une palme d’or honorifique. Le comédien de 81 ans a successivement qualifié le président des États-Unis d’incarnation du «mal absolu» et de «clown». En réponse, le milliardaire new-yorkais a assuré que la star de Taxi Driver était atteinte d’un «syndrome de dérangement». L’acteur vient aussi d’apporter publiquement son soutien à sa fille transgenre, alors que le président a mis un coup d’arrêt aux droits des personnes trans.

Les regards se porteront aussi sur le réalisateur américain Spike Lee, qui projettera hors compétition son thriller Highest 2 Lowest . En 2018, ce grand défenseur de la cause noire avait profité de son passage sur la Croisette pour injurier violemment celui qui effectuait son premier mandat à la Maison Blanche. «Ce fils de pute n'a pas dénoncé le putain de (Klu Klux) Klan (...) et ces fils de pute de nazis», avait lâché le cinéaste, récompensé du Grand Prix du jury pour BlacKkKlansman.

Un contingent massif de stars américaines déambulera sur la Croisette. À commencer par des figures de proue de la nouvelle génération, qui n’ont pas hésité à s’engager par le passé : Kristen Stewart, Jennifer Lawrence, Scarlett Johansson ou encore Pedro Pascal. Dernièrement la star de The Last Of Us n’a pas caché son soutien à la communauté trans et LGBTQ+.