L’agriculture française dans le bourbier de la mondialisation
Gérard Le Puill
Ce jeudi 27 mars, Annie Genevard, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire prendra la parole en séance de clôture du congrès de la FNSEA qui se tient à Grenoble depuis mardi. Alors que la mondialisation des échanges de produits agricoles fait souvent chuter les prix payés à nos paysans, le changement climatique rend les récoltes plus incertaines et fait croître les maladies du bétail.
Dans un entretien accordé à « La France Agricole » du 21 février, veille de l’ouverture du Salon de l’agriculture, Annie Genevard déclarait: « Je voudrais que nous parvenions à faire collectivement de cette soixante et unième édition le premier salon de rebond de notre agriculture, la première pierre d’une reconquête agricole et alimentaire. Il faut qu’on affirme que nous sommes entrés dans une nouvelle ère géopolitique qui requiert la reconquête de notre puissance alimentaire (…) Le conflit russo-ukrainien en témoigne: l’alimentation est aujourd’hui une arme politique. Je refuse que nous, laissions une dette alimentaire à nos enfants. Il est temps de reconquérir notre assiette ».
Ancienne parlementaire du groupe Les Républicains, Annie Genevard a succédé au très discret Marc Fesneau, membre du parti de François Bayrou, qui occupait la fonction depuis l’élection présidentielle de 2022. La France ne compte plus que deux filières en mesure de dégager un excédent commercial annuel dans la cadre des échanges commerciaux en Europe et dans le monde. En 2023, l’excédant du secteur céréalier était de 6,5 milliards d’euros, en recul de 3,7 milliards sur 2022. Cette baisse s’explique surtout par celle du prix du blé et du maïs, suite à la décision des pays membres de l’Union européenne, dont la France, d’importer sans droits de douane des céréales en provenance d’Ukraine. Les prix ont ensuite baissé de 30% en moyenne. Ces prix bas ont perduré en 2024 malgré une baisse sensible des rendements en France à cause du climat et cela continue en ce premier trimestre de 2025. La tonne de blé tendre cotait 214 euros le 18 mars à Rouen contre 260 deux ans plus tôt et plus de 300 entre mai 2022 et janvier 2023.
Quand on passe du blé tendre au blé dur qui sert à produire des pâtes alimentaires, on constate que la production française était de 2,1 millions de tonnes en 2017, année de l’élection d’Emmanuel Macron pour son premier mandat de président de la République. En 2022, année de la seconde élection de l’actuel chef de l’Etat face à Marine Le Pen, notre production de blé dur n’était plus que de 1,3 million de tonne et elle est tombée à 1,2 million en 2024. Du coup, 60% des pâtes alimentaires consommées en France l’an dernier ont été fabriquées avec du blé dur d’importation.
Quand Bruxelles pousse Trump à surtaxer nos vins
Les vins et spiritueux demeurent l’autre secteur excédentaire de nos échanges agricoles pour le moment. L’excédent commercial de cette filière atteignait 16,2 milliards d’euros en 2023 avant de descendre à 14,3 milliards en 2024. Mais tandis que 28.000 à 30.000 hectares de vignes sont actuellement en cours d’arrachage dans plusieurs régions, en raison du recul de débouchés en vins et spiritueux, une bévue de la Commission européenne est venue compliquer la vie des vignerons. Suite à la décision de Donald Trump de taxer à 25% l’acier et l’aluminium exportés aux Etats-Unis par les pays membres de l’Union européenne, la Commission présidée par Ursula Von der Leyen a cru trouver la bonne réponse en promettant de taxer à 50% le bourbon américain exporté en Europe. Trump a aussitôt répliqué en annonçant une taxe de 200% qui pourrait être appliquée prochainement sur les vins et spiritueux européens exportés aux Etats-Unis.
Alors que la taxe sur le bourbon américain pouvait rapporter à 500 millions d’euros par an à l’Europe, celle que prévoit Trump sur les seuls vins et spiritueux français exportés aux Etats-Unis s’élèverait à 4 milliards d’euros à exportations constantes. Mais le plus gros danger proviendrait du recul de nos exportations de vins, de cognac et d’armagnac. Selon Eric Le Gall, président du syndicat des maisons du cognac, s’ils subissaient une taxe de 200%, les producteurs français perdraient « les trois quart de leur clientèle » aux États-Unis et « une grosse part de leur chiffre d’affaires ».
Quand l’élevage passe de l’excédent commercial au déficit
Dans l’élevage, les filières de la viande porcine, de la viande bovine et des produits laitiers sont en train de passer d’un excédent commercial annuel vers un déficit, souvent du fait de l’augmentation des volumes de produits importés par la grande distribution dans le seul but de faire chuter les prix payés aux éleveurs en France. Un poulet sur deux consommé en France est importé désormais, alors que notre pays est le premier producteur de céréales consommées par les poulets. Pour les trois premiers mois de 2025, FranceAgriMer constate une baisse de la collecte de lait de vache en raison de prix trop bas et des maladies contagieuses qui touchent une partie des vaches laitières. Comme elle touche aussi les vaches allaitantes en provoquant des avortements, les naissances de veaux vont encore diminuer dans le courant de cette année.
Telle est la situation de notre agriculture près de huit ans après l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée. La promesse qu’il fit à Rungis le 11 octobre 2017 de modifier la loi pour « inverser cette construction du prix qui doit pouvoir partir des coûts de production » n’a jamais été tenue et notre souveraineté alimentaire continue de reculer.
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