Roland-Garros : le dernier coup de raquette de Richard Gasquet, "l'homme-revers"

Le jour où vous ferez le bilan de ces 23 ans de carrière ? "J'ai eu une chance incroyable de pouvoir jouer au tennis, de vivre de ma passion, de rencontrer des gens fabuleux, de jouer dans des tournois extraordinaires, d'avoir des émotions avec le public", répond Richard Gasquet à France 24. À quelques jours de ranger définitivement sa raquette à l'occasion de Roland Garros, qui débute dimanche 25 mai, le tennisman français le promet : de sa longue carrière, il n'aura "vraiment aucun regret". 

Même s'il l'admet, il aurait aimé, rien qu'une fois, vivre la journée "d'un mec qui gagne Roland-Garros", "le résultat ultime pour un joueur français", disait-il un peu plus tôt au Parisien. Qu'à cela ne tienne, s'il n'aura jamais brandi la Coupe des Mousquetaires, il pourra se targuer d'être l'un des "happy few" à y frapper ses dernières balles comme joueur professionnel

"Je vais faire le maximum pour faire un gros match et essayer d'en profiter (...) C'est le bon moment pour moi pour m'arrêter. J'ai aussi la chance de pouvoir le faire à Roland-Garros, à Paris".

"Le champion que la France attend ?"

Pendant longtemps, Richard Gasquet aura incarné cet espoir : celui de voir un Français succéder à Yannick Noah, dernier vainqueur tricolore du Grand Chelem parisien en 1983. Dès ses premiers coups de raquette, beaucoup y ont crû, imaginant un destin tout tracé en haut du classement ATP. Repéré très tôt, celui dont les parents sont tous les deux professeurs de tennis, apparaît dès ses 9 ans en une de Tennis magazine avec un titre qui laisse rêveur : "Richard G., 9 ans : le champion que la France attend ?" 

En 1999, à seulement 12 ans, il crève de nouveau l’écran en remportant le tournoi des Petits As de Tarbes, considéré comme l’antichambre des champions du futur. Il l'emporte en finale face à un certain... Rafael Nadal. À cette époque, il ne sait pas encore que ce sera la dernière fois qu’il le battra.

L'adolescent rafle tout chez les juniors. En 2002, à 15 ans, il devient numéro un mondial de sa catégorie et intègre le circuit pro. En guise d'entrée en matière, il se présente au tournoi de Monte Carlo. Il parvient à passer le premier tour aux dépens du 54e mondial, Franco Squillari, et bat, là encore, un record de précocité.

D’un naturel introverti, Richard Gasquet garde cependant un souvenir amer de cette enfance sous les projecteurs, à être présenté comme un "petit prodige". "C’était difficile pour un jeune garçon comme moi d’être si connu et de savoir que mon tennis était observé aussi attentivement. Cela m’a un peu blessé", avait-il expliqué au New York Times en 2013. "C’est difficile de se construire quand tous les regards sont braqués sur vous et que tout le monde vous présente comme un prodige."

Un palmarès au goût d'inachevé

Après 23 ans de carrière, le tennisman possède quand même l'un des palmarès les plus importants pour un Français depuis la création du circuit actuel en 1968. Il a remporté 16 tournois sur le circuit ATP 250 - le moins prestigieux dans la hiérarchie de l'ATP Tour - , une Coupe Davis en 2017 et est parvenu, pendant plus de dix ans, à se maintenir dans le top 20 mondial, s'y hissant jusqu'à la septième place. 

Les Français Gilles Simon, Jérémy Chardy, Julien Benneteau, Yannick Noah, Richard Gasquet, Nicolas Mahut, Jo-Wilfried Tsonga, Pierre-Hugues Herbert et Lucas Pouille avec le trophée de la Coupe Davis.
Les Français Gilles Simon, Jérémy Chardy, Julien Benneteau, Yannick Noah, Richard Gasquet, Nicolas Mahut, Jo-Wilfried Tsonga, Pierre-Hugues Herbert et Lucas Pouille avec le trophée de la Coupe Davis, en 2017. © Denis Charlet, AFP

Mais en Grand Chelem, Richard Gasquet a toujours trébuché près de la ligne d'arrivée. Par trois fois, il s'est hissé en demi-finales mais a été éliminé par l'un des trois mastodontes du tennis. En 2007 à Wimbledon, il tombe face à Roger Federer. À l’US Open, en 2013, il est battu par Rafael Nadal. Et en 2015, à Wimbledon, il s'incline face à Novak Djokovic.

"C'est quand même une malédiction de tomber sur cette génération là. Parce que tu sais qu'en demi-finale, ils sont là tout le temps.  Je pense que ce sont les trois meilleurs joueurs de l'histoire. Après, c'était fabuleux. Il y avait du monde qui regardait, il y avait beaucoup d'encouragements. Donc ça restera aussi des moments qui étaient magnifiques", confie le joueur.

Outre ses performances sportives, le joueur a dû composer avec quelques péripéties, notamment en 2004, lorsqu'il est disqualifié de l'US Open en plein match pour avoir touché un juge de ligne en jetant une balle. Pire :  en 2009, Richard Gasquet se retrouve à la une des médias après un contrôle positif à la cocaïne qui lui vaut une suspension de deux mois et demi. Il sera blanchi quelques semaines plus tard par les instances mondiales du sport.  

L'un des plus beaux revers du circuit

Au fil des années, le petit garçon qui étonnait par sa précocité est aussi devenu ce visage familier des passionnés de tennis, au crâne dégarni, qui étonne par sa capacité à durer en continuant inlassablement à se présenter aux tournois à 38 ans passés.

Car malgré des défaites parfois frustrantes, avec des matches qui lui ont filé entre les doigts alors qu'il menait tout du long, le Biterrois semble avoir gardé pendant ces 23 ans une passion du "beau" jeu, technique, et avec lui, l'affection du public. 

Ceux qui, dans les gradins, auront souvent crié "Richard !" se souviendront ainsi de son revers à une main légendaire et redoutable. À plat, lifté, amorti ou croisé, il trouvait toujours une façon de transformer son coup favori en point gagnant. Cet atout lui a d'ailleurs inspiré le titre de son autobiographie "À revers et contre tout", publié en 2017. "C’est ma botte secrète, ma marque de fabrique, la signature de l’artiste", résume dès la première page de l'ouvrage celui qui aime se surnommer "l'homme-revers". 

Mais aujourd'hui, "je ne suis plus assez en forme. Chaque semaine est difficile", admet auprès de France 24 celui qui fêtera ses 39 ans le 18 juin. "C'est le bon moment".

Alors, lorsqu'il foulera pour la dernière fois la terre battue de Roland-Garros, Richard Gasquet espère "être le meilleur possible" autant pour "faire plaisir au public" qu'à lui-même, confie-t-il. En offrant de magnifiques revers, assurément.