"Les milliardaires français ne paient pas ou quasiment pas d’impôt" : Gabriel Zucman sur la taxe des ultra-riches

Ce texte correspond à une partie de la transcription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.


Léa Salamé : En cette journée de mobilisation sociale, que nous avons suivie et couverte toute la journée, pensez-vous réellement que faire contribuer davantage les plus riches suffira à instaurer la paix sociale ? Est-ce aussi simple que cela ?

Gabriel Zucman : C’est, en tout cas, une partie de la solution. La taxation des grandes fortunes constitue à la fois un instrument de stabilité budgétaire et un outil de justice.

Léa Salamé : À l’origine de votre proposition, vous partez d’un constat : selon vous, la France serait un paradis pour les milliardaires. Comment démontrez-vous cela ?

Gabriel Zucman : Les milliardaires français paient peu, voire pas du tout, d’impôt sur le revenu. C’est le constat de départ. Comment est-ce possible ? Grâce à une technique méconnue : l’utilisation de sociétés holding qui servent d’écran fiscal. Pour que ce soit clair : la majorité des Français paie des impôts sur ses salaires ou ses pensions de retraite. Les milliardaires, eux, perçoivent principalement des dividendes, qui transitent par des sociétés holding et échappent ainsi à l’imposition.

La taxe Zucman : enjeux et critiques

Léa Salamé : Vous proposez donc de taxer les ultra-riches. Il s’agit de la fameuse "taxe Zucman", adoptée par l’Assemblée nationale mais rejetée par le Sénat. La droite refuse d’en entendre parler. Il s’agirait d’une taxe de 2 % par an sur tout patrimoine supérieur à 100 millions d’euros, ce qui concernerait environ 1 800 foyers. Vous estimez que cela pourrait rapporter jusqu’à 20 milliards d’euros à l’État. Ce chiffre est contesté : certains économistes affirment qu’au maximum, cela rapporterait 5 milliards. Quelle est votre réponse ?

Gabriel Zucman : Depuis près de 18 ans, j’étudie les grandes fortunes et leurs techniques d’évasion fiscale. Le dispositif que je propose s’appuie sur ces travaux et vise précisément à limiter cette évasion. Pourquoi cela pourrait-il rapporter autant ? La situation est simple : en 1996, les 500 plus grandes fortunes françaises représentaient 6 % du PIB ; aujourd’hui, elles représentent 42 %. En 2010, ces 500 fortunes possédaient 200 milliards d’euros ; aujourd’hui, 1 200 milliards. Si l’on taxe ces patrimoines tout en empêchant l’évasion, les revenus fiscaux pourraient effectivement atteindre 20 milliards d’euros.

Léa Salamé : Certains avancent que cela pourrait entraîner le départ des plus riches, voire la délocalisation d’entreprises et la perte d’emplois. Milan est désormais présenté comme le nouvel eldorado des fortunes françaises.

Gabriel Zucman : C’est l’argument classique de l’exil fiscal. Les études scientifiques montrent que son impact est limité. De plus, il est possible de mettre en place un "bouclier anti-exil" : les contribuables concernés par l’impôt plancher, rappelons, 1 800 personnes disposant de plus de 100 millions d’euros, continueraient à payer cet impôt pendant plusieurs années, même s’ils partaient à l’étranger. Les États-Unis appliquent déjà ce principe, et vont parfois encore plus loin, en poursuivant l’imposition à vie.


Ce texte correspond à une partie de la transcription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.

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