Trump s'attire les foudres des conservateurs en atténuant son discours sur l'avortement

Donald Trump est accusé par les conservateurs d'avoir trahi le mouvement anti-avortement en ajustant son positionnement sur ce thème clé de l'élection présidentielle américaine afin de contrer les attaques de sa rivale démocrate Kamala Harris. Le candidat républicain se vante souvent d'avoir, par sa nomination de trois juges conservateurs à la Cour suprême, permis l'annulation en juin 2022 de la garantie constitutionnelle du droit à l'avortement.

Mais face aux critiques répétées des démocrates, et au soutien d'une majorité de l'opinion publique au droit à l'avortement, l'ancien président veille désormais à se présenter en défenseur des «droits reproductifs». «Mon administration sera formidable pour les femmes et leurs droits reproductifs», a-t-il assuré sur son réseau Truth Social, la semaine passée, peu après que Kamala Harris eut reproché aux républicains d'«avoir perdu la tête» sur le droit à l'avortement lors d'un discours passionné clôturant la convention démocrate à Chicago. Ce qui lui a été vivement reproché par des médias conservateurs. «L'abandon par Trump des “pro-vie” est total», a fustigé le magazine National Review, en référence à la manière dont les groupes anti-avortement se désignent. 

Cette phrase est «la pire déclaration» de Donald Trump depuis qu'il s'est lancé dans sa première candidature à la Maison Blanche en 2015, a lui condamné Jeremy Boreing, le co-fondateur du site The Daily Wire, déplorant qu'il soit «philosophiquement malléable». Il est «difficile de ne pas l'interpréter autrement que comme une déclaration réellement “pro-choix”» (formule utilisée pour désigner les défenseurs du droit à l'avortement), a abondé Philip Klein, de la National Review. «Selon l'acception courante du terme, si vous soutenez les droits reproductifs, cela signifie que vous voulez un accès élargi à l'avortement», a-t-il considéré.

Jouer sur les deux tableaux

Si le républicain a maintes fois changé de position sur l'interruption volontaire de grossesse (IVG) au cours des ans, ses nominations de juges acquis aux thèses conservatrices ont amené à l'annulation de l'arrêt Roe v. Wade de 1973, qui accordait aux Américaines un droit fédéral à l'avortement. Ce séisme politique en a fait un héros aux yeux du mouvement anti-avortement, composante majeure de l'électorat conservateur depuis des décennies. «J'ai réussi à tuer Roe v. Wade», écrivait-il l'an dernier sur Truth Social. «Sans moi, le mouvement “pro-vie” n'aurait pas cessé de perdre.»

Mais depuis, le sujet est devenu un fardeau électoral pour le Parti républicain, et a poussé nombre d'électeurs dans les bras des démocrates, qui ont promis de rétablir à l'échelle nationale ce droit. Dans le même temps, le mouvement anti-avortement appelle, lui, Trump à aller plus loin, certains s'attaquant aux traitements de fertilité comme la fécondation in vitro (FIV) et d'autres militants pour une impopulaire interdiction nationale de l'IVG. L'ex-président, qui espère se faire réélire en novembre, a donné l'impression de vouloir jouer sur les deux tableaux. Il a ainsi évité de se positionner sur une interdiction nationale en répétant que la décision incombe à chaque État. Et il s'est dit jeudi en faveur d'un remboursement des FIV afin que les Américains puissent avoir «davantage de bébés», ajoutant même dans une interview que l'actuel délai de six semaines pour avorter en Floride, l'État où il réside, était «trop court».

Mais, dans le même temps, il a accusé Harris et les démocrates à plusieurs reprises de vouloir «exécuter» des bébés. Ce positionnement ambigu et changeant ne fera qu'«aliéner un peu plus les pro-vie et diviser son propre parti, sans rien faire pour convaincre les gens qui sont pro-choix», estime Philip Klein de la National Review. Si les conservateurs ainsi déçus ne se mettront pas à voter pour Kamala Harris, Donald Trump risque de se mettre à dos une partie de son électorat le plus fidèle. «Notre cause est bien plus importante (...) que Donald Trump», souligne pour l'AFP Marjorie Dannenfelser, présidente de l'organisation anti-avortement Susan B. Anthony Pro-Life America. «Elle façonnera le (Parti républicain) au-delà de cette période Trump.»