Les véhicules électrifiés, hybrides rechargeables (PHEV) ou 100 % électriques (BEV), connaissent un coup de frein depuis le début de l’année. Sur les huit premiers mois, leurs immatriculations en France ont respectivement reculé de 28,9 et 2 %, dans un marché global lui-même en baisse de 7,1 %. Pourtant, jamais le pays n’avait autant progressé dans l’électrification de la mobilité, selon une étude mondiale publiée par le cabinet Roland Berger. Réalisée dans 33 pays sur tous les continents, auprès de 12 000 d’utilisateurs de véhicules électrifiés, l’enquête livre une vision claire de l’emploi mais surtout de l’usage de cette technologie. Premier constat : ce marché dépend fortement des subventions gouvernementales, ainsi que de la fiscalité, en France comme ailleurs. Ajoutées aux incertitudes macroéconomiques actuelles, ces contraintes le maintiennent en stagnation, voire en recul sur le segment des PHEV. « La réglementation a fortement pénalisé cette technologie pour de mauvaises raisons, déplore Olivier Hanoulle, associé automobile chez Roland Berger. Principalement présents dans les flottes d’entreprises avec des cartes carburant, les véhicules ne sont pas rechargés comme ils le devraient. Mais on s’aperçoit qu’en seconde main, ils le sont beaucoup plus, améliorant nettement leur bilan carbone. »
Respect de l’environnement
Pour leur achat, les Français se montrent plus sensibles que leurs voisins à l’argument écologique. 54 % des sondés citent la protection de l’environnement comme principale raison d’acquérir ce type de véhicule, contre 47 % dans le reste de l’Europe. En revanche, plus d’un Français sur deux n’est pas convaincu des avantages économiques de l’électrification. Paradoxe : ils ne sont que 36 % à estimer que le coût de la recharge, notamment publique, devrait être moins cher, alors qu’ils sont 38 % en Allemagne et 45 % au Royaume-Uni, deux pays où le prix du kilowattheure est élevé.
Passer la publicitéLes questions de la recharge concentrent d’ailleurs toutes les préoccupations. « Après un démarrage poussif, la France a bien rattrapé son retard sur les bornes publiques, notamment pour les charges rapides, en courant continu, souligne Emmanuel Fages, associé durabilité et énergie chez Roland Berger. Nous observons, en effet, un progrès sur l’ergonomie des stations et des évolutions en profondeur sur les habitudes de charge. » Mais ce rattrapage reste trompeur. Car si la France a su construire un réseau de recharge rapide au-dessus de la moyenne européenne, avec un taux de pénétration de 19 % contre 17 % (lire tableau) , il reste encore trop concentré sur les autoroutes. « La charge rapide rassure l’automobiliste mais elle n’est pas optimale pour le réseau électrique » , poursuit Emmanuel Fages, appelant à une meilleure répartition sur le territoire, malgré l’équation économique délicate hors grands axes, à cause d’un taux d’utilisation encore trop faible. Il insiste sur une refonte de la tarification de la recharge. « L’écart de prix entre la recharge lente ou semi-rapide (jusqu’à 50 kW) sur le réseau public n’est pas assez différencié , notent les deux consultants. Nous estimons qu’il existe un potentiel pour développer un marché de la recharge lente, notamment destiné aux propriétaires de voitures électriques plus petites qui n’ont pas besoin de recharge rapide. »
Une borne pour 13 véhicules
Le déploiement express sur les voies rapides porte néanmoins ses fruits. Le taux de satisfaction des automobilistes français face à la vitesse de charge bondit ; elle est passée de 38 % en 2023 à 60 % l’année dernière. En outre, la crainte d’un manque de bornes reste, aujourd’hui, encore marginale, « excepté peut-être pendant deux ou trois jours de l’année, lors des chassés-croisés estivaux » , glisse Emmanuel Fages. On compte ainsi 13 voitures 100 % électriques pour une borne publique, un ratio moyen en Europe. Champion sur ce sujet, les Pays-Bas font bien mieux, avec cinq véhicules par borne.
En parallèle, la recharge à domicile domine largement. « Deux tiers des automobilistes français (67 %) se branchent chez eux, tandis que 17 % n’ont pas d’accès privé » , peut-on lire dans l’étude, un constat assez similaire dans les autres pays d’Europe. « L’accès à la recharge dans l’habitat collectif est également un défi que les opérateurs devront relever pour développer la voiture électrifiée » , souligne Emmanuel Fages. Un quart des kilomètres parcourus sont tout de même rechargés via des bornes publiques. Où ? Principalement dans les centres commerciaux (67 %) et sur les autoroutes (49 %) *.
En revanche, la France est très en retard sur la charge dite « intelligente », qui ajuste le débit au tarif. Contrairement à leurs voisins européens, les automobilistes français investissent peu dans leurs équipements et se contentent d’une simple wallbox lorsque ce n’est pas une prise renforcée. « Cet écart peut s’expliquer par les politiques tarifaires des énergéticiens dans les différents pays d’Europe » , commente un expert. Les heures creuses sont en effet facilement identifiables en France ; l’automobiliste peut ainsi programmer la recharge de sa voiture au meilleur tarif.
« L’électrification est sur la bonne voie, mais elle est beaucoup plus complexe que prévu, concluent les deux consultants. La France traverse une phase de transition ; les chiffres révèlent que 44 % des utilisateurs de voitures électrifiées l’utilisent presque tous les jours et que 15 % d’entre eux font plus de 20 000 kilomètres par an. » Une transition plus lente qu’espérée, que Bruxelles devra intégrer pour atteindre ses objectifs de décarbonation.
Passer la publicité* Source : EV Charging Index 2025 - repris par Roland Berger.