Michel Barnier avait quitté Matignon après l’adoption d’une motion de censure. François Bayrou a chuté sur un vote de confiance qu’il avait lui-même provoqué. Ce jeudi, Sébastien Lecornu, renommé après avoir démissionné, affronte déjà deux motions spontanées déposées par le Rassemblement national (RN) et la France insoumise (LFI).
La première n’a aucune chance d’être adoptée, la gauche refusant d’ajouter ses voix à celles du parti à la flamme. La seconde devrait également être rejetée, malgré le soutien du RN. Le PS ayant refusé de la voter en échange de la suspension de la réforme des retraites, le gouvernement devrait être maintenu à une vingtaine de voix près selon les derniers décomptes.
Qu’est-ce qu’une motion de censure spontanée ?
Prévue à l’alinéa 2 de l’article 49 de la Constitution, la motion de censure dite «spontanée» veut que «l’Assemblée nationale met[te] en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d’une motion de censure.» Ainsi, l’initiative appartient en totalité aux parlementaires, à n’importe quel moment d’une session ordinaire, ou extraordinaire.
Mais existe toutefois une limite, dans la mesure où «un député ne peut être signataire de plus de trois motions de censure au cours d’une même session ordinaire et de plus d’une au cours d’une même session extraordinaire». En juillet 2018, une motion de censure spontanée avait été déposée par la gauche contre le gouvernement pour sa politique dans la crise des «gilets jaunes». Au total, 70 motions de censure dites «spontanées» ont été déposées depuis le début de la Ve République.
La motion de censure spontanée se distingue de la motion prévue à l’article 49.3. Plus connue, celle-ci fait suite à l’engagement de la responsabilité du gouvernement sur l’adoption d’un texte. Michel Barnier en a fait usage, avec les conséquences que l’on connaît, sur le projet de loi sur le financement de la Sécurité sociale. «Dans ce cas, ce texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée», avance l’article 49.3 de la Constitution.
Comment dépose-t-on une motion de censure ?
Pour déposer une motion (spontanée ou déposée en raison de l’usage du 49.3), cette dernière soit être «signée par un dixième au moins des membres de l’Assemblée nationale», poursuit le texte de loi, ce qui représente 58 députés. «Le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après son dépôt. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu’à la majorité des membres composant l’Assemblée», précise encore l’article 49, soit 289 voix, contrairement aux autres textes qui sont adoptés en ne tenant compte que des députés présents le jour du vote.
Que se passe-t-il en cas d’adoption de la motion ?
Si la censure est votée, le premier ministre, selon l’article 50, «doit remettre au président de la République la démission du gouvernement». En conséquence, le gouvernement devient «démissionnaire» : il traite des affaires courantes jusqu’à la nomination par le Président de la République d’un nouveau premier ministre, puis, sur proposition de ce dernier, des membres du nouveau gouvernement (en vertu de l’article 8 de la Constitution).
Passer la publicitéCette procédure a-t-elle déjà abouti ?
Jusqu’à la démission du gouvernement Barnier le 4 décembre 2024, la motion de censure n’avait abouti qu’en octobre 1962, lorsque Charles de Gaulle avait souhaité soumettre au référendum la révision constitutionnelle qui prévoyait l’élection du président de la République au suffrage universel. 280 députés s’étaient alors prononcés en faveur de la motion de censure spontanée, sur 480. Le premier ministre George Pompidou avait alors présenté la démission de son gouvernement. De Gaulle avait cependant immédiatement renommé Pompidou à Matignon et avait dissous l’Assemblée. Les élections législatives qui s’en étaient suivies s’étaient traduites par une large victoire gaulliste et Pompidou avait été chargé de former un nouveau gouvernement.