Qu’est-ce qu’une motion de censure ?
Le gouvernement français en sursis. Lundi après-midi, Michel Barnier a décidé de recourir à l’article 49.3 pour faire adopter le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), arguant avoir été au «bout du dialogue» avec les groupes politiques. En réponse, le Rassemblement national et le Nouveau front populaire ont annoncé déposer une motion de censure chacun contre le gouvernement.
«Monsieur Barnier n’a pas souhaité répondre à la demande des 11 millions d’électeurs», a ainsi tancé la chef de file du parti à la flamme Marine Le Pen, quand Marine Tondelier, secrétaire nationale d’EELV fustigeait une «politique injuste» qui conduirait le premier ministre à avoir «la censure et le déshonneur». Les deux textes seront débattus à l’Assemblée nationale mercredi après-midi.
À quoi sert une motion de censure ?
La motion de censure est le moyen principal de contrôle du gouvernement par l’Assemblée nationale ; déposée par les parlementaires, elle leur permet de montrer leur désaccord sur la politique menée par l’exécutif.
Dans quels cas une motion peut-elle être déposée ?
L’article 49 de la Constitution prévoit deux types d’utilisation de la motion de censure. Premier cas : la motion de censure dite «spontanée», définie ainsi par l’alinéa 2 de l’article 49 : «l’Assemblée nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d’une motion de censure.» Ainsi, l’initiative appartient en totalité aux parlementaires, à n’importe quel moment d’une session ordinaire, ou extraordinaire. Mais existe toutefois une limite, dans la mesure où «un député ne peut être signataire de plus de trois motions de censure au cours d’une même session ordinaire et de plus d’une au cours d’une même session extraordinaire». En juillet 2018, une motion de censure spontanée avait été déposée par la gauche contre le gouvernement pour sa politique dans la crise des «gilets jaunes». Au total, 65 motions de censure dites «spontanées» ont été déposées depuis le début de la Ve République.
Deuxième cas possible : la motion de censure qui fait suite à l’engagement de la responsabilité du gouvernement sur le vote d’un texte (article 49.3). C’est ce qu’a fait Michel Barnier avec le projet de loi sur le financement de la Sécurité sociale. «Dans ce cas, ce texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée», avance l’article 49.3 de la Constitution.
Comment dépose-t-on une motion de censure ?
Pour déposer une motion (spontanée ou déposée en raison de l’usage du 49.3), cette dernière soit être «signée par un dixième au moins des membres de l’Assemblée nationale», poursuit le texte de loi, ce qui représente 58 députés. «Le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après son dépôt. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu’à la majorité des membres composant l’Assemblée», précise encore l’article 49, soit 289 voix, contrairement aux autres textes qui sont adoptés en ne tenant compte que des députés présents le jour du vote.
Que se passe-t-il en cas d’adoption de la motion ?
Si la censure est votée, le premier ministre, selon l’article 50, «doit remettre au président de la République la démission du gouvernement». En conséquence, le gouvernement devient «démissionnaire» : il traite des affaires courantes jusqu’à la nomination par le Président de la République d’un nouveau premier ministre, puis, sur proposition de ce dernier, des membres du nouveau gouvernement (en vertu de l’article 8 de la Constitution).
Cette procédure a-t-elle déjà abouti ?
Utilisée plus de 130 fois depuis 1958, la motion de censure n’a abouti qu’en octobre 1962, lorsque Charles de Gaulle a souhaité soumettre au référendum la révision constitutionnelle qui prévoyait l’élection du président de la République au suffrage universel. 280 députés s’étaient alors prononcés en faveur de la motion de censure spontanée, sur 480. Le premier ministre George Pompidou avait alors présenté la démission de son gouvernement. De Gaulle avait cependant immédiatement renommé Pompidou à Matignon et avait dissous l’Assemblée. Les élections législatives qui s’en étaient suivies s’étaient traduites par une large victoire gaulliste et Pompidou avait été chargé de former un nouveau gouvernement.