Trop d’informations sensibles pas assez protégées : la Cnil «s’inquiète» de la collecte de données par France Travail

Trop d’informations sensibles pas assez protégées : la Cnil «s’inquiète» de la collecte de données par France Travail

Tous les allocataires du RSA sont désormais automatiquement intégrés aux fichiers de France Travail.  HJBC / stock.adobe.com

L’opérateur public va devoir gérer une quantité plus importante d’informations sur les demandeurs d’emploi, qui seront consultables par davantage d’agents. La Cnil pointe un risque, l’ex-Pôle emploi défend une amélioration de l’accompagnement.

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Si les 15 heures d’activité par semaine en échange du RSA ont concentré l’attention des Français, la réforme de France Travail entrée en vigueur au 1er janvier 2025 entraîne d’autres bouleversements, plus discrets. À commencer par celui de la gestion des données. D’une part, l’opérateur public va enregistrer l’arrivée de plus d’un million de nouveaux profils en la personne des allocataires du Revenu de solidarité active (RSA). D’autre part, les systèmes informatiques des acteurs (France Travail, missions locales, Cap emploi...) vont progressivement fusionner. Un éventail nettement plus large d’agents pourra donc avoir accès aux différentes données.

Une perspective préoccupante pour la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés). L’organisme de surveillance se dit «inquiet», soulignant «la collecte à grande échelle de données particulièrement nombreuses, parmi lesquelles des données (...) dites sensibles» (comme celles relatives à la santé) ou celles «dites hautement personnelles» (comme les données bancaires). Plus inquiétant, la Cnil émet des doutes sur la capacité de France Travail à sécuriser une masse importante de données, du fait de la transformation des systèmes d’informations «dans des délais extrêmement contraints». Elle rappelle au passage que «des violations massives de données ont récemment affecté certains organismes du secteur social». Mi-mars 2024, les données de 43 millions de personnes avaient été potentiellement exposées - c’est-à-dire toutes les personnes inscrites actuellement auprès de l’opérateur et celles qui l’ont été ces vingt dernières années - à la suite de l’introduction de pirates dans le système.

Objectif plein-emploi 

Des remarques prisent «très au sérieux» par France Travail, où l’on rappelle en premier lieu que la réforme n’entraîne pas «d’élargissement quant à la nature et la profondeur des données collectées». La fusion des logiciels entre les différents acteurs est réalisée au profit des demandeurs d’emploi, «dans le but de ne pas redemander une même information à nos usagers», souligne l’opérateur. Un problème régulièrement pointé du doigt par les chômeurs et source de perte de temps et de gâchis d’argent public. « Il s’agit également de permettre à nos conseillers de dégager du temps en leur enlevant des lourdeurs administratives et de la charge de “reporting” pour qu’ils se consacrent à leur cœur de métier : l’accompagnement humain», ajoute France Travail. Au sujet de la sécurisation des données, l’ancien Pôle emploi assure avoir «renforcé la sécurité de notre système d’information à plusieurs niveaux», à la suite d’audits. 

Ce 1er janvier, l’opérateur public de l’emploi a franchi une étape majeure dans sa mue progressive qui doit lui permettre de mieux accompagner les demandeurs d’emploi et, à terme, viser le plein-emploi. Pour ce faire, une attention particulière est portée aux Français les plus éloignés du marché du travail. En premier lieu les bénéficiaires du RSA (BRSA) dont 60% étaient encore récemment hors des radars. Avec pour résultats d’être peu accompagnés et donc d’avoir peu de chances de sortir de cette situation de dépendance. «Plus de la moitié des personnes au RSA l’étaient depuis plus de quatre ans, et en moyenne c’étaient trois contacts par an, mails compris, donc des chances très faibles de retourner à l’emploi», souligne Thibaut Guilluy, le directeur général de France Travail et chef d’orchestre de la réforme. Depuis le début d’année, ils sont tous automatiquement inscrits comme chômeurs, avec l’obligation de 15 heures d’activités par semaine en échange d’un accompagnement renforcé.