C’est une galerie marchande incontournable du centre-ville de Nantes. Le passage Pommeraye, classé monument historique, séduit autant les consommateurs que les visiteurs. En période de Noël, ce lieu qui regroupe 27 commerçants se pare de ses plus beaux atours. Nombreux sont ceux qui s’arrêtent pour contempler les majestueuses décorations traditionnelles. Pour rajouter de la magie à l’événement, les professionnels aiment garder surprise la couleur des sapins, guirlandes et tapis assortis jusqu’au dévoilement.
Il y a un an, le violet avait apporté une touche d’originalité. Cette année, il devrait s’agir d’une couleur plus classique... Si le décorum habituel est bien de retour. «On va essayer», confie avec inquiétude Nathalie Brucker, depuis sa bijouterie Byblos. Comme le révèle Presse Océan, la présidente de l’association des commerçants du passage Pommeraye n’est pas sereine. Jusqu’à maintenant, les marchands finançaient eux-mêmes les ornements, commandés à un prestataire. Coût de l’opération : 22.000 euros à répartir entre eux. Mais depuis quelques années, le contexte économique rend de plus en plus difficile leur participation.
Crises répétées
«On en a connu, des crises», soupire Nathalie Brucker, énumérant d’abord celle mondiale de 2008, puis les «gilets jaunes», les opposants à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes entraînant des violences dans le centre-ville, le Covid, les manifestations contre la réforme des retraites... «Mais là, c’est vraiment costaud», assure-t-elle, observant un manque de flux. Au contexte national et aux changements d’habitude des consommateurs, s’ajoutent les travaux dans la ville et la piétonnisation croissante.
Compte tenu de ces difficultés, entraînant un chiffre d’affaires en baisse, Nathalie Brucker, qui dirige la boutique la plus ancienne du passage, déplore que «sept participations n’aient pas été honorées en trois ans». Et cela ne risque pas de s’améliorer. «Cela nous interpelle car les gens viennent pour les décorations de Noël. S’il y a moins de décorations, cela amènera moins de fréquentation», glisse une commerçante voisine, confirmant que le sujet inquiète dans la galerie. D’autant que si certains arrêtent de payer, pourquoi les autres continueraient de mettre la main à la poche alors que les bénéfices de visiteurs sont partagés ?
«Les décorations du passage Pommeraye sont en danger pour les années à venir», résume Nathalie Brucker, qui n’aime pourtant pas se plaindre. Recherchant activement des solutions pour boucler le budget, elle a participé pour la première fois à l’appel à projets pour les vitrines de Noël de la mairie. Cela permet de recevoir une subvention, même si cela ne couvre pas tout. «Le Passage Pommeraye a reçu le maximum, 5000 euros», confirme Sara Gangloff, déléguée générale de Plein centre, l’association des commerçants du centre-ville partenaire de ce dispositif permettant aux boutiques de s’associer pour proposer un projet de décorations commun, en contrepartie d’une aide.
Aide bienvenue
En 2024, 11 projets collectifs ont été proposés, regroupant 200 professionnels. «Beaucoup de commerçants ne feraient pas de décorations s’ils n’avaient pas d’aides supplémentaires de la ville. Même si la période de Noël est importante, mettre 200 ou 300 euros pour cela, c’est compliqué en ce moment», souligne Sara Gangloff. Lancé l’an dernier, l’appel à projets «a été un gros succès. On pensait ne le faire qu’une fois. Comme ça a marché, on a décidé de renouveler cette opération», explique au Figaro l’élu nantais du quartier centre-ville et délégué aux commerces Gildas Salaün. Une enveloppe totale de 40.000 euros y est consacrée. «C’est rare, voire unique en France. Ce n’est pas forcément normal de venir aider les parties privées», souligne l’adjoint au maire, qui rappelle que la municipalité n’a jamais rogné sur les investissements concernant Noël. Après la polémique du Voyage en Hiver de 2023, où certains regrettaient la disparition de décorations traditionnelles, des guirlandes lumineuses avaient été ajoutées dans les arbres.
En revanche, aucune aide supplémentaire ne pourra être attribuée au passage Pommeraye. «Il faut avoir à l’esprit qu’une ville n’a pas réglementairement le droit de verser un financement à un commerce», rappelle Gildas Salaün, expliquant que l’appel à projet des vitrines transite par exemple par Plein Centre. Les commerçants du passage Pommeraye explorent donc d’autres pistes, tel que le mécénat. «Nantes, sans le passage décoré, ça fera un vide...», n’ose imaginer la chef d’entreprise Nathalie Brucker. À moins qu’un retour en arrière ne s’impose ? Implantée ici depuis 39 ans, elle se souvient de ses premières années où les commerçants confectionnaient eux-mêmes leurs décorations.