Lundi soir, Ugo Mola et ses adjoints ont, pour la troisième année de suite, été élus par les joueurs et les entraîneurs meilleur staff du Top 14. Une récompense que le manager du Stade Toulousain depuis dix ans prend avec précaution. Rien n’est plus dangereux, selon lui, que de croire que la victoire est acquise.
Dans le contexte actuel du Stade Toulousain, qu’est-ce que représente ce trophée de meilleur staff ?
Passer la publicité(Ironique) Le contexte actuel de ces dernières semaines ou le contexte actuel des dernières années ? Si vous parlez de ces dernières semaines, les résultats immédiats, lorsque vous avez 26 journées et que vous n’en êtes qu’à la 5e, ils restent immédiats. Donc attendons pour en tirer des conclusions. Nous, on a l’impression de ne pas totalement avoir démarré notre saison. Et les autres ne nous attendent pas. Mais, pour autant, ça va vite. À nous de nous mettre rapidement au diapason pour être en mesure de pouvoir gagner de nouveaux trophées.
Depuis dix ans, votre staff a-t-il beaucoup évolué en termes d’organisation ?
Oui, évidemment. On grandit, on vieillit pour certains, on s’assagit, on prend des coups, on apprend de nos erreurs. Il mute donc, comme notre équipe, comme notre club. Mais avec les non négociables que sont nos leitmotivs : prendre du plaisir, garder notre passion toujours vivace et ne pas oublier que nous sommes des privilégiés. Nous vivons dans un monde un peu particulier aujourd’hui, et la bulle que représente le rugby fait de nous des acteurs plus que privilégiés. Donc autant en profiter et bénir tous les jours la chance de pouvoir faire ce métier. On sait que c’est fragile et que, parfois, ça ne dure pas. Nous, c’est vrai, nous avons des résultats depuis quelque temps. Mais nous savons que nous aurons, à un moment ou un autre, des lendemains un peu compliqués…
Vous parlez souvent de la lassitude que certains éprouveraient à voir toujours gagner le Stade Toulousain…
On le sent, on le ressent, on le voit dans les commentaires. On le voit même dans les comportements dans certains stades. Mais ça fait partie du jeu. Je trouve, quant à moi, que le rugby français est dans une dynamique plus que positive. Il n’y a jamais eu autant de clubs performants. On en est à trois champions d’Europe français d’affilée (Stade Rochelais, Stade Toulousain, UBB, NDLR)… En tout cas, nous, nous n’avons jamais été jaloux ou envieux de personne. À l’inverse, on s’inspire beaucoup. On regarde, on essaie de comprendre, parce qu’il y a des staffs qui travaillent très bien, des clubs moins médiatisés que nous qui travaillent très, très bien… Il y a plein d’endroits où les gens réfléchissent. On n’a pas le monopole de bien faire les choses et tant mieux. Aujourd’hui, c’est le Stade Toulousain qui gagne, et je sais, encore une fois, que ça peut gêner. Mais c’est le Stade Toulousain aujourd’hui comme ça sera peut-être un autre club dans pas longtemps. Tant que le rugby est porté haut et qu’on a des joueurs qui se révèlent et s’épanouissent, c’est le principal.
Il faut toujours s’employer à progresser car il n’y a rien de plus dangereux que la gentillesse suffisante qui te ferait croire que tu fais mieux que tout le monde et qui t’amènerait à être hors des réalités de ton milieu… Passer la publicitéEst-ce dur à vivre de devoir toujours gagner ?
Est-ce qu’on ne vit que par la victoire ? Il n’y a qu’un champion. La victoire, c’est tellement précaire. C’est vrai que j’en parle facilement parce que j’ai eu la chance de gagner assez régulièrement. Oui, la victoire valide certaines choses. Mais il n’y a pas que ça. Des joueurs, des joueuses qui arrivent à s’épanouir dans nos clubs par exemple. Après, je crois que la performance durable passe par un management bienveillant. Ça ne se passe pas toujours bien, particulièrement avec vous la presse, mais ça fait partie du jeu. Mais, au final, je crois qu’on a tous envie que le rugby soit porté haut. Je reviens sur le privilège qui est le nôtre quand d’autres entraîneurs sont en situation plus difficile. Quand on a la chance de travailler, il faut en profiter. Je le sais, je suis également passé par des moments compliqués dans ma carrière d’entraîneur. Il faut toujours s’employer à progresser car il n’y a rien de plus dangereux que la gentillesse suffisante qui te ferait croire que tu fais mieux que tout le monde et qui t’amènerait à être hors des réalités de ton milieu…
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Mais, en Top 14, les rivalités sont exacerbées…
Malgré notre rivalité, que ce soit avec Toulon, avec le Racing, avec d’autres staffs, on arrive à échanger, à partager. C’est la force du rugby. Évidemment il y a des rivalités mais aussi des relations que l’on crée au fil du temps et des rencontres. Elles sont importantes dès l’instant qu’elles permettent au rugby d’être meilleur et plus attractif.
L’issue s’approche. Il y aura un autre manager dans pas très longtemps...
Cela fait dix ans que vous êtes le manager du Stade Toulousain. Vous y voyez-vous encore dans dix ans ?
Passer la publicité(Il sourit) L’issue s’approche. J’en suis le représentant aujourd’hui, il y en aura un autre dans pas très longtemps. Je connais la difficulté de rester à la tête d’un staff. Tu peux rapidement être sorti si tu n’as pas les résultats attendus. Et c’est logique au regard des moyens qui te sont donnés. Mais, au Stade Toulousain, le temps, la stabilité me permettent aujourd’hui d’avoir le choix. Et, surtout, le choix d’assurer la suite de notre staff. On a toujours pensé avec Didier Lacroix (le président) et Jérôme Cazalbou (manager du haut niveau) qu’on devait laisser le club un petit peu mieux qu’on nous l’avait donné. Et Dieu sait qu’on nous l’avait donné dans de bonnes conditions…
Question un peu provoc. Est-ce que les deux accros que Toulouse vient de connaître à l’extérieur ne redonnent pas de la motivation au staff ?
Pour les joueurs surtout, parce que je vous rappelle que le staff ne joue pas (sourire). On a beau s’énerver, s’agacer, ça ne sert pas à grand-chose... Ils n’ont fait pas preuve de caractère dans des moments clés. Ça, c’est un peu plus inquiétant que le fait de ne pas avoir encore réellement redémarré notre saison. Est-ce qu’on se sent en danger ? Je vous parlais de la gentille suffisance ou, en tout cas, du truc insidieux qui peut, petit à petit, à force de t’entendre dire que tu es le meilleur, que tu vas gagner le top 14… Alors que non, tout est remis à zéro après chaque saison. Et force est de reconnaître que, pour la remise à zéro, on met un petit peu de temps. Et si on traîne trop, on le paiera cher.
La démarrer dimanche face à l’UBB, ce serait le bon moment ?
La démarrer le plus tôt possible, oui. Après, il ne faut pas sous-estimer l’effet que vous avez sur les autres. Tout le monde a envie de faire tomber Bordeaux le champion d’Europe, Toulouse le champion de France. Ce championnat est dur, âpre. Malgré ce que certains veulent faire penser de l’hégémonie du Stade Toulousain, il n’a jamais été aussi concurrentiel. Douze équipes peuvent potentiellement être championnes si elles ont un peu de réussite…