La Cinémathèque française rend hommage à l'œuvre unique, sophistiquée et enchanteresse de Wes Anderson
Wes Anderson est l'un des réalisateurs les plus brillants et les plus singuliers du XXIe siècle. Son esthétique et son souci du détail sont reconnaissables entre mille. Il a su, au fil des ans, se faire un nom dans le monde du 7e art. La Cinémathèque française a donc choisi de mettre en lumière son œuvre à travers une exposition, jusqu'au 27 juillet 2025.
De la grâce mélancolique de La Famille Tenenbaum à la fougue joyeuse du Grand Budapest Hotel, cette rétrospective est une vraie plongée dans l'univers unique, sophistiqué et enchanteur du créateur. Cette première grande exposition qui lui est consacrée suit l'évolution de son travail, de ses premiers pas, dans les années 1990, à Asteroid City, son dernier long-métrage, sorti en 2023. Objets cultes, accessoires, costumes, éléments de décors, carnets, story-boards, dessins, photos de tournage... Tout y est pour saisir la pensée créatrice de Wes Anderson qui a réalisé les films les plus fascinants de ces derniers temps visuellement.
Le style "andersonien"
Devenu une icône du cinéma américain contemporain, dès le début des années 2000, Wes Anderson est connu pour ses histoires excentriques et mélancoliques, notamment la création, dans les moindres détails, de mondes de fiction, peuplés de personnages doués, mais imparfaits. L'archétype du héros "andersonien" est anticonformiste, souvent en conflit avec l'autorité et débordé par ses affects. Tous ses films sont traversés par des récurrences esthétiques. Le réalisateur est pris de passion pour les dialogues étourdissants, les tableaux vivants, la symétrie, le graphisme et l'omniprésence de la musique.
À travers des photos de tournages et des story-boards de ses premiers films Bottle Rocket (1996) et Rushmore (1998), l'exposition, qui suit la chronologie, permet déjà de comprendre le style "andersonien", en seulement quelques minutes. Son deuxième film, Rushmore, est celui qui pose les bases de son esthétique cinématographique : la frontalité des cadrages, l'incrustation de texte sur l'image et l'utilisation de musique pop.
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Au tournant des années 2000, il réalise deux films à la production ambitieuse : La Famille Tenenbaum (2001) et La Vie aquatique (2004). Leur retentissement fait connaître au grand public le cinéaste texan, capable de résister à la standardisation hollywoodienne.
Ces deux films puzzle, oscillant entre harmonie et dissonance, montrent la difficulté d'être ensemble au sein d'une même famille au sens propre ou figuré. La famille est un cadre, mais elle peut aussi être la source de tourments profonds. Derrière les façades de leur "brownstone house" ou d'un navire high-tech s'installe une mélancolie faite de disparitions, d'accidents et de mensonges.
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Wes Anderson sort toujours les grands moyens pour ses longs-métrages. Dans La Famille Tenenbaum, le réalisateur fait usage du grand format Panavision, une image très large qui permet de fondre les personnages dans des décors riches en objets, fabriqués sur-mesure. Pour La Vie aquatique, odyssée loufoque, rythmée par des reprises bossa-nova de David Bowie, le gigantesque navire studio a été construit, en coupe longitudinale, dans les studios de Cinecitta, à Rome.
Cette création a permis de réaliser des travellings majestueux et légers qui balaient élégamment les espaces et accompagnent les déplacements. C'est l'une des "marques de fabrique" du style Wes Anderson. Les créatures fantastiques colorées faites main pour le film sont à retrouver dans l'exposition.
Des collaborations avec Roman Coppola
Tournés majoritairement en décors naturels et coécrits avec Roman Coppola, À bord du Darjeeling Limited et Moonrise Kingdom racontent chacun un voyage initiatique et suivent les trajectoires semées d'embûches de personnages qui, par hantise du carcan et soif de liberté, traversent des terres inexplorées : dans l'un, les régions désertiques de l'Inde, dans l'autre l'île atlantique de New Penzance. Dans ces deux films, il filme une nature déchaînée selon des partis pris de mise en scène récurrents comme les dé-zooms et les ralentis, exacerbés par la musique des Rolling Stones et les explosions de percussions originales créées par Alexandre Desplat. Dans cette salle, le visiteur est baigné par Le Temps de l'amour de Françoise Hardy, chanson qui accompagnait une scène culte du film.
Pour le film À bord du Darjeeling Limited, le réalisateur et ses équipes se sont installés au Rajasthan pendant plusieurs semaines. Ils ont donc entièrement redécoré de vrais wagons indiens, mettant au point un système de trappes coulissantes pour les transformer en plateaux de cinéma ambulants. Wes Anderson imagine des mondes fantasmatiques, mais dans un contexte réel. En l'occurrence, il était important pour lui de tourner dans un vrai train, le customiser et travailler avec des artistes indiens.
Le stop motion réinventé
Réalisés à presque dix années d'intervalle, Fantastic Mr. Fox (2009) et L'Ile aux chiens (2008) ont été tournés en stop motion dans les studios londoniens de 3 Mils. Cette technique artisanale consiste à animer des marionnettes ou des objets, présents dans l'exposition, en les déplaçant dans un environnement miniature et en les repositionnant image par image.
Le stop motion, hérité des pionniers du cinéma et dont le rendu est légèrement saccadé, donne une esthétique volontairement rétro. Il implique un long travail de préparation et une mécanique d'horlogerie pour arranger les décors au millimètre près, qui peuvent mettre des mois, voire des années. Le réalisateur aime travailler avec des graphistes pour être au plus près de la réalité et que chaque chose ait du sens. Les recours à la fable, dans ces deux films, permettent à Wes Anderson d'explorer des sujets sérieux tout en conservant son humour emblématique.
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Vivre en Europe a renforcé la fascination de Wes Anderson pour ce continent, ce qui l'amène à tourner The Grand Budapest Hotel, en 2014 et The French Dispatch, en 2021. Ces deux longs-métrages reposent sur des récits polyphoniques enchâssés, hommage aux films à sketchs en vogue dans les années 1960. Plus que jamais, les symétries sont parfaites, les costumes bien choisis et les mouvements de caméra étourdissants dans ces décors ambitieux.
D'ailleurs, le Grand Budapest Hotel n'existe pas. Les équipes ont trouvé un centre commercial désaffecté et ont réalisé tous les intérieurs. L'extérieur avec la façade rose est, lui, une maquette, installée en bonne place dans l'exposition. Le mythe est définitivement cassé.
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Avec Asteroid City en 2023, Wes Anderson revient en Amérique. La ville fantôme imaginée par Wes Anderson au cœur du désert du Nevada, mais tournée en Espagne, est un lieu de passage où se rencontrent un photographe de guerre veuf, des astronomes en herbe, une star de cinéma inspirée de Marilyn Monroe, ainsi qu'un délicat alien voleur de météorite.
Les plus grands fans retrouveront à la fin de l'exposition les fameuses machines qui permettent d'acheter très rapidement des cocktails Martini et des terres dans le désert.
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Du début à la fin de cette sublime rétrospective, les cinéphiles en prennent plein les yeux et les oreilles. Une seule envie en sortant : (re)découvrir la dizaine de films du réalisateur qui influence durablement le cinéma contemporain.
Exposition Wes Anderson à la Cinémathèque française, 51 rue de Bercy, 75012 Paris. Jusqu'au 27 juillet. Tous les jours sauf le mardi, de 12h à 19h, et le week-end de 11h à 20h. Tarifs : 7 à 14 euros