Passer le bac, oui, mais pour quoi faire ? Cette semaine, plus de 530.000 lycéens des voies générale et technologique plancheront pour obtenir le précieux sésame. Mais alors que la note est désormais façonnée pour 40% par le contrôle continu, et que le taux de réussite de l’examen dépasse les 90%, c’est la prochaine étape qui s’avère la plus périlleuse : celle de l’orientation. Parmi toutes les filières, les classes préparatoires, les grandes écoles, les formations manuelles, littéraires, économiques ou scientifiques, il faudra à tous ces bacheliers emprunter une voie parmi les autres. Un exercice auquel une majorité des 18-24 ans estime avoir été exposée trop tôt, et sans préparation suffisante.
C’est ce que révèle un sondage OpinionWay pour Edumapper publié mardi 3 juin. Parmi les 1064 jeunes sortis du lycée interrogés, 56% regrettent avoir fait un mauvais choix par manque d’information sur l’orientation. Seuls 38% estiment avoir été bien préparés à une décision qui est arrivée trop tôt pour une très large majorité (72%). Des résultats qui n’étonnent pas Anne Muxel, sociologue, directrice déléguée du Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) qui a collaboré à l’étude. «Dès la fin de la troisième, on demande à des adolescents de se positionner. Ils ont le sentiment qu’on vient hypothéquer leur droit à l’erreur à un moment où ils n’ont pas les clés pour comprendre les tenants et les aboutissants. Et une fois qu’ils sont embarqués dans un parcours, ils ont moins de possibilités de réorientation, de passerelles ou de césures que dans d’autres pays. Ils ont l’impression d’être comme dans un train en marche dont ils ne peuvent pas descendre, et qui va conditionner leur valeur sur le marché du travail», explique-t-elle. De fait, tandis que 63% des sondés pensent que la nature des diplômes obtenus sera décisive pour leur réussite professionnelle, 61% pensent qu’il n’existe pas de droit à l’erreur une fois le choix arrêté.
Les réseaux sociaux plutôt que le conseiller d’éducation
Interrogés au sujet des outils mis à leur disposition pour déterminer leurs appétences et faire un choix le plus affiné possible, les sondés délivrent un constat particulièrement sévère. Tandis que les parents sont très majoritairement jugés impliqués dans l’orientation de leurs enfants (73%), 59% des jeunes estiment que les conseillers d’éducation au lycée n’aident pas «vraiment» les élèves, et quasiment la moitié déclare ne pas avoir eu accès à toutes les informations nécessaires au collège ou au lycée. Plus d’un jeune sur neuf dit également avoir «manqué au moins d’un retour d’expérience, d’une vision globale des formations possibles ou de tests pour évaluer ses centres d’intérêt» au moment de réfléchir à la poursuite de ses études. Les réseaux sociaux font au contraire figure d’autorité aux yeux des jeunes adultes. Parmi les sondés, 82% déclarent avoir eu recours à internet ou aux réseaux sociaux pour découvrir les formations et faire le choix. Une démarche qui leur a été utile dans 51% des cas.
Dans ces conditions, la première émotion ressentie par les sondés est l’inquiétude (49%), nettement devant l’envie ou la curiosité (35% des cas). Plus que la crainte de ne pas obtenir les notes suffisantes pour suivre les études choisies (36%) ou de ne pas réussir dans la formation intégrée (42%), c’est d’ailleurs la crainte de faire un choix qui ne leur plaira pas qui prédomine (45%). Comment, alors, redonner les clés aux jeunes pour prendre des décisions plus sereines ? «Il faudrait donner beaucoup plus de clés de compréhension de ce que peut être le marché du travail. Mais surtout, il faudrait leur permettre de rester plus longtemps dans le cadre d’une formation généralisante, sur le modèle de ce que font les États-Unis par exemple, en donnant deux années de “collège” généraliste avant la spécialisation», estime Anne Muxel. Cette année, les élèves ont bel et bien dû faire un choix. Et nombreux devront attendre la fin de la phase d’admission principale de Parcoursup, le site internet qui centralise les vœux d’affectation des futurs étudiants, le 10 juillet, pour savoir où ils atterriront en septembre.