Défilés de Milan: sexy en jean chez Diesel ou en dentelle chez Blumarine... et poésie chez Max Mara

Ce mercredi après-midi, le premier rang du défilé Diesel est plein comme un œuf. On ne pourrait plus y ajouter un influenceur. Habillé de «total looks» Diesel, tout ce que TikTok, Instagram et consorts comptent de personnages influents est assis là, prêt à dégainer son smartphone. Un garçon à dreadlocks s’avance, accompagné d’une étrange créature aux cheveux roses, tous deux vêtus par le jeanneur. Tout ce petit monde tend son portable. Le défilé a-t-il commencé? Non, pas du tout. Il s’agit de Ghali, star du rap local suivi par quelque 3 millions de fans sur Instagram, et son fidèle acolyte Rich Olino, un garçon suppose-t-on masqué d’une tête mi-extraterrestre, mi-hippopotame qui ne le quitte pas depuis un an, arrivés tardivement. Depuis que Glenn Martens en est directeur artistique, les étrangetés sur le podium de la marque sont récurrentes. D’où notre confusion. D’ailleurs, une fois le rappeur installé - dans les escaliers, le «vrai» défilé s’ouvre sur une mannequin aux yeux de vampire dans un spencer épaulé en tweed gris et une micro jupe taille haute à culotte intégrée en denim élimé. Un garçon, le même regard inquiétant, en jean et veste sans col, lui emboîte le pas, avec un sourire à la Joker tagué sur la bouche. Le beau bizarre, un univers que le styliste belge maîtrise. Tout comme ces variations sur le même thème, le jean (credo de la griffe vénitienne depuis sa création en 1978 par Renzo Rosso), qu’il détourne, altère, enduit, imprimé, surteint, délavé, à l’infini et avec cette main couture qui fait la singularité de Martens (nouvellement nommé à la tête de Maison Margiela). Cette fois-ci, il travaille aussi le tweed (dévoré jusqu’à la trame), le cuir (rétréci et froissé comme passé à la machine), la laine (feutrée elle aussi) et le latex (en trompe-l’œil de maille torsadée). Tout aussi remarquable, son travail sur les jeux de proportions et notamment autour de la taille. Celle des jupes pour elle et des pantalons pour lui étant abaissé à la limite des reins. Sexy mais particulièrement bien exécuté.

Diesel Courtesy of Diesel

Peut-être ne le saviez-vous pas, mais la marque Blumarine qui défilait ce jeudi à Milan, fondée en 1977 par Anna Molinari, a redéfini le chic à italienne dans les années 1980 avec son vestiaire ultra-féminin bordé de fourrure, ses robes fluides avec application de dentelle et a eu son heure de gloire à la fin des années 1990 en habillant les supermodèles (Naomi Campbell, Carla Bruni et cie), Madonna et Monica Bellucci de ses petits cardigans roses ornés de papillons en cristaux Swarovski. Depuis la griffe est au creux de la vague et tente de surfer sur celle du Y2K (l’esthétique sexy bling des années 2000) née sur les réseaux sociaux. Plusieurs directeurs artistiques s’y sont cassé les dents. Jusqu’à David Koma, nommé en juillet dernier, qui présentait ce jeudi, à Milan, sa première collection pour la griffe italienne. Le Georgien, formé à la Central Saint Martins et un temps à la tête des collections Thierry Mugler, relève le défi avec les honneurs. La cabine de mannequins, les yeux fardés de noir, ne boude pas son plaisir en chaloupant dans des robes de mousseline fendues haut sur la cuisse, pantalon bootcut ajouré et gros ceinturon, minibustier à fleurs et cardigan assorti, manteau de (fausse) fourrure léchant le sol et collants voile. Le tout perché sur des stilettos à talons aiguilles. V.G.

En coulisses chez Blumarine Claudia Greco / REUTERS

Nous n’avions jamais rencontré Ian Griffiths, le directeur artistique qui officie chez Max Mara depuis 37 ans (une longévité record qu’il partage avec Véronique Nichanian, la «femme» de l’«homme» d’Hermès). On se félicite d’être allées l’écouter en coulisses après son défilé. Un pur Anglais à la jeunesse punk et à la maturité dandy, qui vous cite d’emblée les sœurs Brontë. «Je me suis réveillé un matin avec l’envie de faire de grandes jupes en laine. Mais quelle histoire accrocher à ça? Les Brontë. Leur esprit fait écho à notre époque, aux femmes qui s’appliquent une logique ultra-rigoureuse pour monter l’échelle sociale à en oublier leurs passions... Jusqu’au jour où elles ne peuvent plus les cacher. Je ne voulais pas pour autant que ces vêtements aient l’air de costumes d’une série adaptée des Hauts de Hurlevent sur la BBC du dimanche soir - même si j’adorerais faire ce genre de projet ! J’ai donc pris une redingote que j’ai déconstruite pour en faire un gilet à manches amovibles et contrastées, en shearling ou en matelassé, qu’une femme peut porter pour aller dans les landes du Yorkshire. En réalité, il est plus probable que ce soit pour marcher dans les couloirs du pouvoir, mais qu’importe, elle porte avec elle cette part de rêve. » Lorsqu’une journaliste rebondit et lui demande s’il a l’impression «d’apporter (son) rêve avec (lui)», il répond avec cette douce mélancolie très keatsienne: «cela rend le quotidien plus supportable, non?». La qualité des étoffes, l’exécution imparable, les couleurs merveilleuses dont ce Casha qui est au cachemire naturel (beige mastic) ce que le camel est au (manteau) Camel, ont toujours été l’alpha et l’oméga de Max Mara. Mais l’émotion et le souffle lyrique de ces longues jupes en laine grosse jauge et ces costumes à veste courte (la fameuse redingote) et pantalon ample taille haute, donne une autre dimension à cette saison. Merci pour les Charlotte et Emily d’aujourd’hui. H.G.

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