« Mon corps garde en mémoire ce choc » : après un accident, ils sont traumatisés du ski
« J’adore toujours la montagne mais désormais je préfère la raquette ! »
Sandrine Dupont est originaire de Franche-Comté et a appris le ski dès l’âge de 11 ans dans les Vosges avec le club local. Adulte, elle poursuit la tradition avec son mari et ses enfants, chaque année dans des stations différentes des Alpes, pour allier le bonheur de la glisse et celui de la découverte. Mais en 2010, à 40 ans, une mauvaise réception à l’arrivée d’un télésiège où elle croise ses skis, « une chute toute bête et sans vitesse », lui vaudra une rupture des ligaments croisés et une descente en barquette.
Sandrine est sportive, elle pratique aussi le tennis, et décide de se faire opérer. Elle retrouve rapidement toutes ses capacités... mais pas la confiance sur les pistes. « Je sais que c’est dans la tête, ce n’est pas mon genou qui m’arrête, mais j’ai cette appréhension de remonter sur les skis, de me refaire mal. » Pourtant, pour retrouver la sérénité, Sandrine a pris des cours : « Je reskiais bien, je me sentais plutôt confiante, mais je n’ai pas réussi à continuer sans le moniteur. Les autres skieurs me font peur, je trouve qu’il y a trop de monde, j’ai dit à mon mari que je voulais bien reskier un jour mais s’il me privatise les pistes ! » dit-elle en riant.
Pour autant, Sandrine adore toujours autant venir à la montagne et c’est ce qu’elle fait chaque année. Son mari dévale les pistes avec leurs amis « et moi je fais de la raquette et d’autres activités : j’ai découvert le chien de traîneaux et cette année je me suis orientée vers des activités détente avec le yoga nature et les balades en forêt. » La Franc-comtoise n’a pas totalement abandonné l’idée de rechausser les skis : « Je sais que j’en suis capable et cela me manque un peu. Parfois je me dis que je devrais me forcer, mais mon mari et nos amis sont des grands skieurs et je ne veux pas les ralentir. J’irai peut-être tenter une reprise avec ma fille ou mes sœurs, où l’on skiera plus tranquillement. Ou alors plus tard, quand j’aurai des petits-enfants ! »
« Mon accident sur les pistes a tout changé »
Britt Monnier, monitrice de ski expérimentée, a vu sa vie bouleversée après un accident en début de saison dernière. Alors qu’elle testait ses nouveaux skis sur une piste rouge déserte des Arcs, un snowboarder hors de contrôle l’a percutée à très grande vitesse par l’arrière. « Je me suis réveillée au sol en bas du mur, cinq mètres en dessous de mes skis, sans comprendre ce qui s’était passé. » Le bilan médical a révélé deux côtes cassées, un enfoncement de la cage thoracique, une distension acromio-claviculaire et une commotion cérébrale. Malgré la gravité, Britt n’a pas immédiatement réalisé l’ampleur de l’accident, privilégiant son rendez-vous avec son fils à l’école de ski. « Je n’ai pas fait venir les pisteurs, et je ne me souviens même pas comment je suis rentrée. »
Après une longue convalescence et une saison raccourcie, Britt comprend que le choc physique et émotionnel a modifié sa perception du ski. «Je n’avais jamais ressenti cela, maintenant je me sens très vulnérable sur les pistes. Je suis devenue beaucoup plus alerte, je fais des signes pour être vue par les gens qui arrivent trop vite, et je conseille aux skieurs sans maîtrise que je croise de descendre à pied ! » La spécialiste pointe aussi un problème qu’elle trouve croissant sur les pistes : « le nombre de skieurs avec zéro technique qui vont beaucoup trop vite ! » Pour elle, les pistes toujours plus préparées et le matériel facilitant favorisent aussi ces excès de vitesse. « Je suis pour le retour de pistes non damées : c’est plus technique, et cela réduit forcément la vitesse ! »
Britt avoue que sa manière d’enseigner a évolué depuis l’accident : « j’insiste davantage sur la technique, je vais beaucoup plus sur les bords de piste ou dans les bosses ». Les questions et les doutes sont encore là et il faudra certainement encore quelques hivers à Britt pour retrouver la sérénité sur les skis.
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« J’ai retrouvé le plaisir de skier, mais je garde une marge de sécurité »
Nicolas Lamy, montagnard et habitué des pistes, se souvient de l’accident qui a bouleversé sa pratique en janvier 2022. « C’était en hors-piste à la Plagne ; une chute dans un trou en poudreuse. J’ai senti mon genou craquer. » Malgré la douleur, il est descendu sur ses skis, mais une IRM a confirmé le diagnostic : ligament croisé antérieur sectionné. L’opération, en mars, a marqué le début d’une longue rééducation. « Le chirurgien m’a prévenu : il faisait la moitié du travail, l’autre moitié était de mon ressort, avec de la kiné et du renforcement musculaire. » Pendant six mois, Nicolas s’est concentré sur sa récupération, retrouvant le sport progressivement à l’automne. Mais retourner sur les pistes l’hiver suivant a tout de même éveillé une légère appréhension.
« La chute venait du ski, donc forcément, au début, j’y pensais, même si je savais que mon genou était solide. Mais dès les premières descentes, j’ai retrouvé du plaisir, puis du relâchement. J’ai pu aller de plus en plus vite et prendre des courbes avec des appuis plus francs. » Si les pistes ne lui posaient pas de problème, le hors-piste restait un petit défi mental avec davantage de place aux doutes. « C’est là que l’accident s’est produit, donc j’y allais avec plus de prudence. Toute la première saison, je prenais une marge de sécurité. Ce n’était pas de la peur mais je n’avais pas du tout envie de retomber sur ce schéma d’opération et rééducation, qui est très long et exigeant.»
Aujourd’hui, trois saisons plus tard, Nicolas a totalement retrouvé ses capacités et le plaisir de skier. « Je me sens à 100 % physiquement, et je n’ai plus de différence d’approche entre la piste et le hors-piste, mais je garde toujours une petite marge, par précaution alors que dans les autres sports, je ne pense plus du tout à mon genou. »
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