Guerre au Proche-Orient : cinq questions sur l'attaque d'envergure du Hezbollah libanais contre Israël
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Une attaque éclair. En quelques heures, le Hezbollah libanais a lancé, dimanche 25 août, des centaines de drones et roquettes contre des objectifs militaires en Israël. De son côté, l'armée israélienne affirme avoir mené des frappes préventives au Liban pour empêcher une "attaque d'envergure". Si le mouvement islamiste chiite a annoncé que son attaque était "terminée" pour la journée de dimanche et avait atteint ses objectifs, l'état d'urgence a été étendu à l'ensemble du territoire d'Israël et les Etats-Unis se sont dits "prêts à soutenir" leur allié.
En quoi a consisté cette attaque lancée depuis le sol libanais ?
Dans un communiqué émis depuis Beyrouth, au Liban, le Hezbollah a annoncé avoir lancé "une attaque aérienne à l'aide d'un grand nombre de drones" sur le territoire israélien. Le puissant parti pro-iranien a ajouté avoir tiré "plus de 320" roquettes Katioucha sur 11 bases militaires en Israël et sur le plateau du Golan syrien, occupé par Israël. De son côté, l'armée israélienne a affirmé sur X que le Hezbollah avait tiré "plus de 150 projectiles depuis le Liban vers Israël".
L'attaque visait les "casernes et positions israéliennes afin de faciliter le passage des drones d'attaques" vers le territoire israélien "en profondeur", explique le Hezbollah, qui exerce une influence prépondérante au Liban. Le Hezbollah a ensuite affirmé que son attaque était "terminée" pour dimanche et qu'elle s'était "achevée avec succès". Son chef, Hassan Nasrallah, va s'exprimer à 17 heures sur "les derniers développements" de cette attaque.
Quelle a été la réplique d'Israël ?
L'armée israélienne a lancé des raids aériens pour déjouer l'attaque. Objectif principal : "Eliminer les menaces visant les citoyens israéliens." Le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a juré de "tout faire" pour la "sécurité" des habitants du nord du pays et annoncé une réunion du cabinet de sécurité tôt le matin. Son ministre de la Défense, Yoav Gallant, a décrété l'état d'urgence sur le territoire d'Israël pour 48 heures.
"Un peu avant 5 heures du matin" (4 heures en France hexagonale), l'armée de l'air israélienne a lancé "une opération complexe durant laquelle une centaine d'avions ont frappé des milliers de rampes de lancement de roquettes pointées vers le nord d'Israël dans 40 zones de tir dans le sud du Liban", a détaillé un porte-parole militaire, le lieutenant-colonel Nadav Shoshani. Selon ce dernier, les tirs du Hezbollah faisaient partie d'une "attaque planifiée comme plus importante et nous avons pu en déjouer une bonne partie ce matin".
Environ 100 avions de chasse de l’armée de l’air ont frappé et détruit des milliers de lance-roquettes du Hezbollah, qui étaient prêts à tirer immédiatement vers le nord et le centre d’Israël.
— Tsahal (@Tsahal_IDF) August 25, 2024
Plus de 40 sites de lancement du Hezbollah ont été visés.
Nous ferons tout ce qu’il… pic.twitter.com/wCwLavm8cy
"Nous sommes toujours en train d'évaluer les dégâts provoqués par l'attaque [et] il y a encore des incendies, a ajouté cette même source. Mais je peux vous dire que les dégâts sont mineurs" du côté israélien.
Le Hezbollah a démenti ces "allégations". Selon la chaîne de télévision Al-Manar du mouvement chiite, les raids israéliens ont visé les forêts de Kounin Rashf, al-Tayri, Beit Yahoun, al-Khardali, Zawtar, Iqlim al-Tuffah et al-Rayhan dans le sud du Liban. Le ministère de la Santé libanais a fait état d'au moins trois morts.
Dans quel contexte s'inscrit cette offensive ?
Depuis des semaines, la communauté internationale dit craindre une escalade militaire régionale entre l'Iran et ses alliés d'une part et Israël de l'autre, à l'heure où la guerre perdure à Gaza. Le lendemain de l'attaque du Hamas, le 7 octobre, en Israël, le Hezbollah avait aussi ouvert un front contre Israël. Depuis, la frontière entre les deux pays est prise dans un engrenage de violences.
Armé et financé par l'Iran, ennemi juré d'Israël, le Hezbollah a récemment menacé Israël, voisin du Liban, d'une riposte après la mort d'un de ses chefs militaires Fouad Chokr, tué le 30 juillet dans une frappe israélienne sur la banlieue sud de Beyrouth. Le Hezbollah ainsi que l'Iran et le Hamas palestinien ont aussi menacé de répondre à l'assassinat imputé à Israël de l'ex-chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, à Téhéran le 31 juillet.
Comment réagit la communauté internationale ?
Les Etats-Unis, principal soutien d'Israël, se sont dits "prêts à soutenir" la défense de l'Etat hébreu. "Nous continuons à suivre de près la situation et nous avons été très clairs sur le fait que les Etats-Unis sont prêts à soutenir la défense d'Israël", a déclaré un porte-parole du Pentagone dans un communiqué.
C'est dans ce contexte explosif que les négociateurs au Caire devaient, en principe, poursuivre dimanche leurs discussions pour tenter d'obtenir un accord sur une trêve dans la bande de Gaza. Cette dernière session de discussions en date a été lancée jeudi dans la capitale égyptienne en présence des chefs du renseignement extérieur et intérieur israéliens, David Barnea et Ronen Bar, du directeur de la CIA, William Burns, du coordinateur de la Maison Blanche pour le Moyen-Orient, Brett McGurk, ainsi que des chefs du renseignement égyptien et qatari.
Cette attaque préfigure-t-elle une escalade dans la région ?
Selon Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales et professeur émérite des universités à Sciences Po Paris, invité dimanche sur franceinfo, "le Hezbollah n'a aucun intérêt à une guerre totale" car il "aurait énormément à perdre dans un pays qu'il contrôle presque institutionnellement aujourd'hui". Mais le mouvement "ne peut pas non plus laisser faire lorsque l'un de ses dirigeants est tué par l'armée israélienne". D'après le spécialiste, le mouvement libanais développe une "stratégie nouvelle", en alliance avec l'Iran, qui consiste à "entretenir une situation d'incertitude".
"C'est hautement rémunérateur pour le Hezbollah qui donne l'impression d'être le maître du jeu. C'est lui qui décide quand faire monter la pression et l'attention ou pas. On ne sait pas à quel moment ni sous quelle forme cela peut intervenir."
Bertrand Badie, spécialiste des relations internationalessur franceinfo
Quant à l'implication de l'Iran dans cette attaque, le chercheur considère que même s'il n'est pas exclu qu'il y ait eu une "concertation entre Téhéran et les leaders du mouvement chiite libanais", "il ne faut pas exagérer ce lien mécanique entre le Hezbollah et la République islamique d'Iran". "Ils ont chacun leurs intérêts, chacun leur jeu, et ils ont même peut-être intérêt à dissocier leur jeu et le mode d'expression de leurs ripostes", observe Bertrand Badie.