Le film commence comme une simple comédie romantique pour mieux dissimuler sa nature de polar impitoyable. À Nice, Laura (Zita Hanrot), jeune mère célibataire, essaie de reconstruire sa vie après s’être séparée de son mari Joachim (Bastien Bouillon). L’intrigue d’Aux jours qui viennent, premier long-métrage de Nathalie Najem, se présente d’abord comme un puzzle éparpillé qui va progressivement prendre toute sa cohérence.
Le spectateur découvre un couple qui se tient amoureusement côte à côte. Puis la vision d’une fillette de 10 ans (Maya Hirsbein) succède à cette tendre love story. La petite s’amuse sur une plage de galets. Sa mère la contraint à interrompre ses activités balnéaires pour lui passer son père au téléphone. La conversation sera brève et sans chaleur. Dans une autre séquence, le même homme se promène au bras d’une femme dont il a l’air très épris…
Passer la publicitéAlors que Laura, sculptrice devenue professeur mène de front l’éducation de Lou, sa fille de 10 ans, et sa vie professionnelle, elle se retrouve un jour face à la nouvelle compagne de Joachim (Alexia Charchard). La jeune femme fait irruption chez elle, apeurée et blessée. Shirine et Laura sont tombées amoureuses du même homme. Bastien Bouillon incarne ce protagoniste charmeur et troublant, ce père absent en rupture de ban qui, sous des dehors sensibles, peut en un clin d’œil susciter l’effroi.
Bastien Bouillon pivot central du film
L’implacable récit évoquant tout à la fois les violences conjugales et les mécanismes d’emprise s’enclenche progressivement, s’autorisant au préalable une certaine forme de légèreté et quelques traits d’humour. Cependant, le pivot central de ce thriller social s’articule principalement autour de la figure du personnage de Joachim. Comme disait Hitchcock : « Plus réussi est le méchant, meilleur sera le film. »
Aux jours qui viennent n’aurait sans doute pas eu le même impact cinématographique sans la présence magnétique de Bastien Bouillon. Confronté à Zita Hanrot et Alexia Charchard, deux comédiennes qui lui tiennent la dragée haute, l’un des comédiens français les plus en vue du moment s’empare du rôle avec une puissance dramatique impressionnante.
Repéré dans La Nuit du 12, Le Comte de Monte-Cristo, Partir un jour et bientôt tête d’affiche dans Connemara, Bouillon incarne un homme complexe, désaxé, dangereux, et accro aux substances illégales. Il compose un protagoniste touchant et inquiétant à la fois. La séquence de la gifle, la poursuite nocturne dans la ville ou la chasse haletante et cauchemardesque dans la gare témoignent d’une mise en scène efficace, brute, directe héritée de Friedkin dans French Connection ou de Palma dans L’Impasse.
Par sa douceur oppressante, son entêtement ambigu, sa violence contenue, le personnage de Joachim suggère celui de Mitchum dans le chef-d’œuvre de Laughton La Nuit du chasseur. La tension monte à chaque scène. Si le « révérend » affiche sur ses phalanges les mots « Love » et « Hate », le style vestimentaire de Bastien Bouillon traduit visuellement autant l’attrait que la menace.
Passer la publicitéSon blouson de cuir, comme une carapace emblème de virilité, lui confère une allure dominante, tempérée par un foulard en soie révélant une fragilité ou un besoin de contrôle. Quant au pantalon de velours, la chevalière et le gilet, ils évoquent l’impression d’un homme en quête de stature. En réalité, on ne sait jamais si Joachim va tendre la main pour caresser la joue… ou la frapper. Et c’est tout l’enjeu symbolique de cet habile thriller féministe au classicisme décalé.
La note du Figaro : 3/4