Elle aimait les huîtres et les saint-jacques bretonnes, le poulet rôti et les plats bistrotiers de son quartier d’Aligre, à Paris. Après avoir régalé pendant trente ans les lecteurs de sa plume gourmande et malicieuse, Colette Monsat, ancienne rédactrice en chef gastronomie du Figaro et du Figaroscope, est décédée mercredi 8 octobre, à l’âge de 72 ans.
Née à Paris, elle intègre, après plusieurs expériences dans des magazines spécialisés (Régal, Cuisine et Vins de France), le Figaro en 1989, rejoignant l’équipe du Figaroscope, supplément lancé deux ans auparavant pour recommander les sorties parisiennes. Plus précisément sa rubrique phare, «Restaurants», où aux côtés notamment de François Simon puis d’Emmanuel Rubin, elle contribue par ses critiques à apporter un regard frais, décalé et sans complaisance sur la révolution culinaire qui s’opère dans la capitale, et notamment l’essor de ces bistrots soignés à prix doux que l’on qualifiera plus tard de bistronomiques. Multipliant les angles originaux, elle coordonne avec beaucoup de sérieux des dossiers tous azimuts, écumant les bonnes et moins bonnes adresses, seule ou accompagnée, réservant sous un faux nom et réglant toujours ses additions, histoire de vivre une expérience similaire à celle de n’importe quel client.
Passer la publicitéParmi ses trouvailles, l’orchestration, une fois par mois, de palmarès gourmands. Paris-brest, flans, croissant, tartes aux pommes: après avoir ramassé anonymement, avec ses équipes, une vingtaine de viennoiseries et pâtisseries, choisissant des adresses ayant pignon sur rue aussi bien que confidentielles aux quatre coins de Paris, Colette les goûtait, une par une, à l’aveugle, avec la rédaction, sous la houlette de l’ancien pâtissier du Crillon, Christophe Felder, avant de les noter selon une grille scrupuleuse de critères. Malgré ces tests plus éprouvants qu’ils n’y paraissent, la passion de Colette restait intacte. «Vous pensez que j’ai un grain? J’assume, s’il est rond et de riz.» écrivait-elle ainsi dans les colonnes du Figaroscope en écho à son amour du riz au lait.
Au fil des ans, Colette prend la tête de la rubrique gastronomie non seulement du Figaroscope mais aussi de la page nationale qui paraît chaque samedi dans le quotidien, pour laquelle elle réalise enquêtes, portraits et interviews des principaux acteurs de la gastronomie. «Colette était d’une grande intégrité, elle aimait les choses simples et elle n’était pas dupe du jeu des chefs se souvient François Simon. J’ai appris auprès d’elle la régularité et l’importance d’être consciencieux et travailleur. Elle estimait à raison que soigner les détails, vérifier l’orthographe de noms, la justesse des infos pratiques, était le b.a.-ba d’une presse de qualité.» Véritable gardienne du temple, Colette était aussi une bonne camarade, qui traitait toujours ses interlocuteurs avec respect et gentillesse et n’hésitait pas à donner leur chance à de jeunes journalistes. «Elle fut une formidable journaliste pour qui le métier ne commence ni ne finit dans le seul papier signé. Colette était de ces professionnels de l’ombre qui, avec exigence et bienveillance, animait les équipes, orchestrait les lignes éditoriales et rappelait qu’un journal est d’abord une aventure collective. Elle avait le goût de la mémoire et de la transmission, accueillant et accompagnant les nouvelles générations» se rappelle Emmanuel Rubin qui démarra stagiaire dans son équipe.
Les lecteurs ne connaissaient pas son visage, qu’elle veillait à flouter dans le journal, ses bouclettes blondes, son regard rieur, sa bienveillance espiègle. Après son départ du Figaro en 2018, elle avait continué à écrire sur les restaurants, notamment pour le journal professionnel Trois étoiles, racontant jusqu’au bout cette cuisine qu’elle aimait tant.
L’ensemble des collaborateurs du groupe Figaro s’associent à la douleur de son fils, Adrien, et de tous ses proches.