Précarité étudiante : « L’alimentation n’est plus ma priorité, je dois privilégier l’achat de matériels pour mes cours »
Il y a quatre ans, lors de la période du Covid, les images de distributions alimentaires pour étudiants faisaient le tour des médias, alertant sur la précarité qui touche les jeunes en études supérieures. « Aujourd’hui rien n’a changé… Pire, la situation s’est aggravée. Même si cela ne fait plus l’actualité, les étudiants sont toujours précaires », assène Julien Meimon, président de Linkee – Entraide étudiante, association qui organise des distributions alimentaires dans les grandes villes universitaires de France.
3 millions de repas distribués en 2024
Lundi 3 février dans la soirée, alors que le thermomètre affichait à peine 5 degrés à Paris, 600 étudiants ont bravé le froid pendant plus d’une heure pour récupérer un panier de 5 à 7 kilos composé de produits frais sauvés du gaspillage alimentaire.
« L’année dernière, nous avons fourni 3 millions de repas, soit 250 000 paniers, à plus de 70 000 étudiants », précise le président aux bénévoles à quelques minutes du lancement de la distribution. Des chiffres frappants qui n’ont eu de cesse d’augmenter au cours de ces quatre dernières années, en raison notamment de l’inflation sur les produits alimentaires.
« Personne n’a pris la mesure de ce que les étudiants vivent, ce n’est pas une galère qui va passer, c’est la misère » alerte Julien Meimon, qui tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme : « Personne n’est capable de dire combien d’étudiants sont en situation de précarité. Je doute que Mme Borne puisse quantifier le nombre d’étudiants précaires et pas seulement boursiers. »
Un étudiant sur dix a dormi dans la rue au cours des douze derniers mois
Pourtant, il est difficile de tourner le dos à cette réalité quand la file d’étudiants, sac de course vide à la main, s’étend sur plusieurs trottoirs. Alors que le mois commence à peine, les étudiants ont le porte-monnaie presque vide, allégé par le loyer et les charges qui leur incombent.
C’est d’ailleurs ce que rappelle l’étude sociologique publiée mercredi 5 février par l’association. Menée auprès de 22 000 étudiants bénéficiaires de Linkee et intitulée « Avoir 20 ans en 2025 », elle dresse un état des lieux de la précarité étudiante en France.
Pour 97 % des bénéficiaires, l’autonomie a un coût… et pas n’importe lequel. En Île-de-France, 1 étudiant sur 4 doit supporter des charges de logement supérieures à 600 euros par mois, tandis que d’autres se retrouvent sans domicile fixe. L’étude révèle, en effet, qu’au cours des douze derniers mois, 1 étudiant sur 10 a dormi dans la rue ou dans son véhicule.
« Une fois le loyer payé, je n’ai plus suffisamment d’argent pour faire mes courses »
« Je suis boursière, je bénéficie des aides de la CAF et de mes parents, mais une fois le loyer payé, je n’ai plus suffisamment d’argent pour faire mes courses », confie Anaïs1, l’une des bénéficiaires, étudiante en Master 1 d’arts plastiques à la Sorbonne.
Avec un reste à vivre très faible, « l’alimentation n’est plus ma priorité, je dois privilégier l’achat de matériels pour mes cours, car tout n’est pas fourni ». La jeune femme est, parfois, contrainte de sauter des repas, comme 8 étudiants sur 10, et à se reposer sur le soutien des distributions alimentaires.
Un tableau alarmant qui secoue Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs sociaux (FAS) partenaire de Linkee. « C’est quoi, ce pays où les étudiants attendent dans le froid pour se nourrir ? En laissant la précarité s’enraciner chez les étudiants, c’est toute la jeunesse que l’on sacrifie », dénonce-t-il. Avec Julien Meimon, ils se disent « inquiets face à l’incapacité du pays à prendre des décisions pour sauver la jeunesse en oubliant la force que celle-ci représente pour le futur ».
« Grâce aux distributions, j’ai pu reprendre une vie sociale »
À l’instar d’Emmy, récemment diplômée et bénévole depuis les débuts des distributions de l’association, en septembre 2020. Derrière son stand, la jeune femme accueille les bénéficiaires avec bonne humeur et enthousiasme, espérant soulager la charge mentale qu’entraîne la précarité.
Une situation qu’Emmy ne connaît que trop bien, puisque elle-même en fut bénéficiaire le temps de ses études. « Lorsque je suis arrivée d’Algérie en 2019, j’ai rencontré de nombreuses difficultés, entre le logement et l’alimentation. Quand je pensais m’en sortir, le confinement est tombé et j’ai tout perdu. »
Après plusieurs mois d’isolement, la jeune femme a pu compter sur l’aide alimentaire de Linkee, mais pas seulement. « Grâce aux distributions, j’ai pu reprendre une vie sociale en rencontrant des personnes dans la même situation que moi. Sans eux, je serais sûrement tombée en dépression sans moyen de me soigner. »
- Le prénom a été modifié. ↩︎
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