Pourquoi le budget voté au Sénat pourrait être largement modifié avant une éventuelle adoption définitive

Plus de trois mois après avoir été déposé au Parlement, le budget 2025 a été adopté dans son ensemble par le Sénat, jeudi 23 janvier, lors d'un vote sans grand suspense. Les sénateurs ont voté en grande majorité (217 voix pour, 105 contre) pour l'ensemble du projet de loi de finances, qui comprend la partie recettes et dépenses. La gauche n'a pas voté ce texte, évoquant un "budget qui n'est que le décalque du budget Barnier", selon les mots du sénateur socialiste de la Sarthe Thierry Cozic.

Le budget adopté par la chambre haute est, en effet, issu des travaux du précédent gouvernement. Rejeté par l'Assemblée nationale mi-novembre (sur la partie recettes, ce qui avait entraîné le rejet de l'intégralité du projet de loi de finances), il a en revanche fait l'objet de longs travaux au Sénat, alors que François Bayrou, le nouveau Premier ministre, avait dit qu'il reprendrait ce texte pour construire son budget, faute de temps. Mais, contrairement au précédent gouvernement qui avait évoqué un effort de 60 milliards d'euros, le gouvernement Bayrou vise un effort de 32 milliards d'économies et 21 milliards de recettes pour ramener le déficit public à 5,4% du PIB en 2025.

De nombreuses coupes budgétaires

Sur la partie recettes, l'effort temporaire sur l'impôt sur le revenu des ménages les plus aisés (2 milliards d'euros espérés) et la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises (8 milliards) figurent dans le texte. Tout comme un malus renforcé sur l'achat de voitures thermiques ou une taxe exceptionnelle sur l'armateur CMA-CGM. Le Sénat s'était en revanche opposé à la hausse de la fiscalité sur l'électricité au-delà du niveau d'avant-crise du Covid.

Sur la partie dépenses, les sénateurs ont voté de nombreuses économies, comme ils l'avaient promis. Pour limiter le déficit public, de nombreux amendements proposés par le gouvernement ont été adoptés. Tous les ministères ou presque sont concernés par ces coupes budgétaires : le Logement et l'Ecologie ont été rabotés chacuns de plus d'un milliard d'euros, l'aide publique au développement a perdu près de 800 millions d'euros, la Recherche et l'Enseignement supérieur plus 600 millions, et la mission France 2030  535 millions d'euros… Les sénateurs ont en revanche décidé de limiter l'effort des collectivités locales à 2,2 milliards d'euros en 2025, contre 5 initialement prévus, ce qui avait provoqué la fronde des élus.

Rendez-vous le 30 janvier pour la commission mixte paritaire

Les sénateurs ont aussi voté la suppression de l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique et du Service national universel. Plusieurs concessions faites aux socialistes, dont le très symbolique rétablissement des 4 000 postes d'enseignants promis par François Bayrou, ont aussi été supprimées. Mais elles pourraient prochainement être réintégrées.

Ce vote du budget au Sénat est, en effet, la première étape d'un chemin qui s'annonce encore tortueux. Le 30 janvier, une commission mixte paritaire, qui réunira sept sénateurs et sept députés, tentera de trouver un compromis sur le texte. Il devrait ainsi être largement modifié avant d'être soumis au Parlement début février, sous peine de censure des socialistes. Leur vote pourrait faire tomber le gouvernement Bayrou si le reste de la gauche et le Rassemblement national votaient aussi la censure.

"En tout état de cause, nous allons dialoguer, mais dans un espace de négociations extrêmement réduit", a reconnu jeudi sur France 2 Eric Lombard, le ministre de l'Economie. Les socialistes ont fait savoir qu'ils discuteraient jusqu'à la commission mixte paritaire, afin d'obtenir de nouvelles concessions.