«La seule perspective possible, c’est la censure »: les socialistes plus tentés que jamais de faire tomber Bayrou

«La seule perspective possible, c’est la censure »: les socialistes plus tentés que jamais de faire tomber Bayrou

Olivier Faure, Premier secrétaire du parti socialiste. Francois Bouchon / Le Figaro

Les économies annoncées par François Bayrou mardi après-midi ont irrité le parti de gauche. S’il reste ouvert à la discussion, ses députés se préparent à renverser le premier ministre dès le mois d’octobre.

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François Bayrou s’est-il fait hara-kiri ? En présentant mardi après-midi ses propositions pour économiser près de 44 milliards d’euros dans le prochain budget de la nation, le premier ministre a décidé de ne pas ménager ses oppositions, qui ont immédiatement qualifié son plan d’«inacceptable». Le Parti socialiste (PS) ne fait pas exception. Ses représentants ont tiré à boulets rouges sur «un budget brutal et inacceptable». Dès mardi soir, Olivier Faure, Premier secrétaire du PS a prévenu sur BFM que «sur les bases actuelles, la seule perspective possible, c’est la censure». C’est pourtant sur le parti de gauche que François Bayrou s’était habilement appuyé lors du précédent débat budgétaire, l’hiver dernier, pour faire passer son texte sans disposer de majorité au Parlement. Un «accord de non-censure»  avait été conclu, au prix de longues négociations et de plusieurs concessions.

Tandis que le projet de loi de finances arrivera à l’Assemblée nationale dans trois mois, on imagine mal le gouvernement arracher une nouvelle fois un accord budgétaire aux socialistes. Dans son discours, François Bayrou n’a du reste pas cité nommément le PS lorsqu’il s’est dit ouvert aux propositions «des partis politiques, des groupes parlementaires, du conseil économique, social et environnemental, des partenaires sociaux, des collectivités territoriales ou des citoyens de notre pays».

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De leur côté, les socialistes ont réuni mardi soir un bureau national, sorte de comité exécutif du parti. «La copie présentée est purement inacceptable. Les socialistes feront leurs propositions à la rentrée prochaine», conclut un communiqué publié dans la foulée. À la différence de La France insoumise notamment, le PS ne claque donc pas la porte au nez du gouvernement. Mais tout indique que les discussions auront lieu dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, en octobre, et non dans les ministères dès aujourd’hui, comme semble le souhaiter le premier ministre.

«Béquille du gouvernement»

«Il ne s’agira pas d’une négociation, comme ça a été le cas en janvier dernier, mais plutôt d’une discussion», confirme Patrick Kanner, président du groupe socialiste au Sénat, pour qui il sera «très très compliqué» d’aboutir à un accord. «En janvier, le gouvernement avait le bénéfice du doute, ils héritaient d’un budget qui n’était pas le leur. Là, le sujet est très différent. Ils sont à 100% responsables de la proposition de budget inique qui nous est faite. Nous avons face à nous un gouvernement de droite qui ne veut manifestement pas jouer du tout sur la justice fiscale», assène le sénateur du Nord, pourtant parmi les pourfendeurs de la censure ces derniers mois.

«On va évidemment participer à la discussion, mais pour des raisons politiques et morales. C’est notre identité de parti réformiste et de gouvernement de le faire», assure un parlementaire socialiste de premier plan. Parmi les propositions sur lesquelles le PS souhaite faire campagne à l’automne, la principale est la taxe dite Zucman, qui consiste à imposer à hauteur de 2% le patrimoine des milliardaires chaque année. Le premier ministre s’est contenté mardi de mentionner une «contribution de solidarité» qui s’appliquera aux «plus hauts revenus». Une mesure qui ne concerne donc pas le patrimoine et rappelle ce qui avait déjà été négocié par les socialistes dans le précédent exercice budgétaire. «Ils ne voudront jamais de nos propositions sur la fiscalité», avance un parlementaire socialiste au cœur des précédentes négociations budgétaires avec le gouvernement, qui parie sur le fait que «Bayrou tombe le 15 octobre».

Au-delà des seules considérations budgétaires, le contexte politique donne toutes les raisons au PS de censurer François Bayrou. Outre l’épisode du «conclave sur les retraites», qui a définitivement rompu le modeste lien de confiance entre les deux parties, les échéances électorales à venir devraient peser de tout leur poids dans la balance. «Nous ne voulons pas donner l’impression d’être la béquille du gouvernement», affirme un cadre. «À l’approche des municipales (en mars 2026, NDLR), nous devons donner des gages à nos partenaires de gauche», renchérit un membre de la direction du parti. Le même mentionne de surcroît la perspective d’une primaire de la gauche en vue de la présidentielle, qui se tiendrait, elle aussi, en 2026 : «Il faut montrer aux électeurs de gauche que les socialistes sont vraiment de gauche». Fin connaisseur de la vie politique, François Bayrou a sans doute compris que son sort, à gauche en tout cas, était déjà scellé.