REPORTAGE. "Mon frère est un héros" : en Ukraine, la mobilisation pour les prisonniers de guerre grandit chaque week-end

Des milliers d'Ukrainiens sont toujours retenus en Russie. Aucun chiffre officiel n'est disponible mais ils seraient au moins 3 000, peut-être deux fois plus. Il s'agit principalement de soldats mais aussi de civils capturés au début de la guerre. Pour les soutenir et réclamer leur libération. Des manifestations sont organisées chaque week-end. Elles sont ponctuées des klaxons des automobilistes qui affichent leur soutien. Une mobilisation qui prend de l'ampleur dans tout le pays.

Halina est montée sur les marches. Prendre un peu de hauteur, pour que l'on distingue mieux la grande affiche sur laquelle est imprimée une photographie de son frère souriant. Igor Hayokha, 36 ans, chef d'une unité d'artillerie dans l'oblast de Louhansk, laissé pour mort sur le champ de bataille. Puis capturé et emprisonné désormais en Russie. Halina pense à lui, et aux autres prisonniers, tous les jours. "Eux, ils n'ont pas la possibilité d'être sous le soleil, et de respirer l'air libre, et ça fait déjà trois ans. Cette action c'est pour que les gens n'oublient pas, qu'ils se souviennent du prix à payer pour notre liberté et de notre indépendance."

Halina (à gauche) la soeur d'Igor qui est détenu par les Russes après avoir échappé à la mort. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)
Halina (à gauche) la soeur d'Igor qui est détenu par les Russes après avoir échappé à la mort. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

Ses boucles de cheveux châtains sous un bonnet rose pour se protéger du froid, Halina est persuadée qu'Igor reviendra. "C'est un super-héros, déclare l'Ukrainienne. La manière dont il a ressuscité, comment il a repris des forces, et comme il soutenait ses camarades. Pour moi, comme pour les autres, mon frère est toujours un super-héros."

"Les gens sont inquiets pour chaque prisonnier de guerre"

Maksym aussi est considéré comme un héros. 29 ans, infanterie de marine, il est emprisonné dans la région de Belgorod et a passé 1 002 jours en captivité, régulièrement battu par ses geôliers. "Ils utilisaient tout : des matraques, des chocs électriques, leurs mains, leurs pieds, tout ce qu'ils avaient, raconte Maksym. On subissait des humiliations, des étirements de membres. Quand ils nous battaient, ils riaient, et pendant les interrogatoires, ils nous battaient aussi."

Libéré le 30 décembre 2024, les yeux cernés et les joues encore creuses, il manifeste pour ses camarades toujours retenus. "La première fois que je suis venu à un rassemblement, j'ai eu les larmes aux yeux, explique Maksym. Parce qu'en prison on nous disait que personne ne lutte pour nous, que personne n'a pas besoin de nous, que tout le monde nous a oubliés. Mais quand je viens ici, je vois comme les gens sont inquiets pour chaque prisonnier de guerre."

Maksym est resté prisonnier des Russes pendant 1 002 jours. Il a subi des tortures physiques et psychologiques. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)
Maksym est resté prisonnier des Russes pendant 1 002 jours. Il a subi des tortures physiques et psychologiques. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

Et quand on lui demande s'il retournera au front : "Je pense que oui, je vais voir comment ma femme va réagir", répond-il. Pour l'heure, il est en convalescence, reprend doucement du poids. À sa libération, il ne pesait plus que 40 kg.