«Stop Killing Games» : plus d’un million d’Européens dénoncent «l’obsolescence programmée» des jeux vidéo

«Stop Killing Games» : plus d’un million d’Européens dénoncent «l’obsolescence programmée» des jeux vidéo

En juillet 2024, l’activiste Ross Scott lance la pétition afin de construire une initiative citoyenne pour introduire une nouvelle loi dans l’Union européenne contre les éditeurs de jeux vidéo. Svyatoslav Lypynskyy / Svyatoslav Lypynskyy - stock.adobe.com

Un bras de fer s’engage entre les joueurs et les éditeurs, accusés de couper leurs serveurs et de tuer leurs productions, qui deviennent alors inutilisables après seulement quelques années. Et ce, alors que les consommateurs les ont achetés.

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Acheter un jeu vidéo et ne plus pouvoir s’en servir quelques années plus tard ? Cette situation rencontrée par de nombreux joueurs suscite désormais une levée de boucliers. Lancée pour mettre fin à cette pratique, une pétition en ligne, «Stop Killing Games», appelle à mettre fin à cette «forme d’obsolescence programmée». Et souhaite faire évoluer la législation, à l’échelle européenne, pour protéger les consommateurs.

Tout commence en mars 2024, lorsque Ubisoft annonce la fin des serveurs du jeu de course automobile The Crew, dix ans après son lancement. De quoi laisser les joueurs sur le carreau. Excédé par cette annonce, l’activiste Ross Scott lance la pétition afin de construire une initiative citoyenne pour introduire une nouvelle loi dans l’Union européenne contre les éditeurs de jeux vidéo. «Un nombre croissant de jeux vidéo sont désormais conçus pour dépendre d’un serveur contrôlé par l’éditeur afin que le jeu puisse fonctionner. C’est une sorte de soutien vital pour le jeu. Lorsque l’éditeur décide d’éteindre ce serveur, il coupe essentiellement ce soutien vital au jeu, le rendant totalement inutilisable pour tous les clients», explique le groupe. Et d’ajouter que «la pratique d’un vendeur détruisant un produit que quelqu’un a déjà payé représente une attaque radicale sur les droits des consommateurs et même sur le concept de propriété lui-même».

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Quelques mois plus tard, la pétition a réuni plus de 1,26 million de signatures. Elle appelle notamment à pénaliser les éditeurs de jeux vidéo «pour la destruction des exemplaires de jeux qu’elles ont vendus à leurs clients», ainsi qu’à s’organiser pour «permettre aux clients de conserver leurs jeux dans ne serait-ce qu’un pays», y compris après la fin du support du jeu. Le recueil des signatures se terminera le 31 juillet prochain. Objectif : parvenir à mettre en œuvre une «initiative citoyenne européenne», massivement soutenue, afin d’alerter la Commission européenne sur ce sujet. Le cas échéant, Bruxelles pourrait choisir de prendre ce dossier en main, et de légiférer dessus.

«Désinstaller le produit»

Cette initiative n’est toutefois pas du goût des géants du jeu vidéo. Dans un communiqué diffusé le 4 juillet, Video Games Europe, un groupe d’intérêts qui représente la filière, estime qu’une obligation légale de maintenir les jeux en ligne serait contre-productive. L’organisation pointe la création de serveurs non officiels pour faire perdurer les jeux, qui entraîneraient de la triche, du contenu illicite ou encore des coûts techniques élevés. À cela s’ajouteraient un frein à l’innovation et une atteinte à l’image de marque et des droits d’auteur.

Les éditeurs, eux, ne semblent pas décidés à changer leur politique. Dans les conditions générales d’Ubisoft, qui datent de janvier 2023, il est ainsi inscrit que, dans le cas où l’éditeur cesse «de proposer le produit et/ou d’en assurer l’assistance», l’utilisateur doit «immédiatement désinstaller le produit et détruire toutes les copies de celui-ci», alors même que les jeux vidéo coûtent de plus en plus cher à l’achat. Aucune contrepartie n’est proposée à l’acheteur, qui n’a plus qu’à jeter son jeu ou le mettre dans un placard.

Ubisoft n’est pas le seul à avoir de telles conditions d’utilisation, à l’instar de Rockstar Games, Sega ou encore Electronic Arts. Ce dernier a par ailleurs déjà annoncé la fin des serveurs du jeu Anthem pour la mi-janvier 2026, après six ans d’exploitation. Reste à voir si les instances de l’Union européenne s’attaqueront aux éditeurs, déjà en crise depuis plusieurs mois.