Face au retour de Donald Trump à la Maison Blanche, l'Europe au défi de l'unité
Les Vingt-Sept savent le moment décisif. Les dirigeants européens ont tenté, jeudi 7 novembre à Budapest, d'afficher un front uni face au retour de Donald Trump à la Maison Blanche, mais les interrogations demeurent sur leur capacité à faire bloc face aux coups de boutoir annoncés du milliardaire républicain.
"Nous avons démontré que l'Europe pouvait prendre son destin en main quand elle était unie", a lancé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
"C'est un moment de l'Histoire, pour nous, Européens, qui est décisif", a assené de son côté le président français Emmanuel Macron. "Au fond, la question qui nous est posée [est] voulons-nous lire l'Histoire écrite par d'autres – les guerres lancées par Vladimir Poutine, les élections américaines, les choix faits par les Chinois – ou est ce qu'on veut écrire l'Histoire ?"
À lire aussi"Les garde-fous ont disparu" : l'UE se prépare face à l'hypothèse d'une victoire de Trump
Hasard des soubresauts de la politique au sein des Vingt-Sept, le président français a fait cette déclaration en l'absence du dirigeant de l'autre poids lourd du bloc européen : l'Allemagne. Confronté à l'éclatement de sa coalition, le chancelier Olaf Scholz n'était pas présent à Budapest pour ce sommet de la Communauté politique européenne (CPE).
Fait notable : le Premier ministre hongrois Viktor Orban, qui avait salué mercredi le "succès éclatant" de son "ami" Trump, a opté pour un ton résolument sobre à l'ouverture de "son" sommet, organisé dans le flamboyant stade Puskas Arena, du nom du légendaire joueur de football Ferenc Puskas.
Au lendemain d'un spectaculaire come-back politique qui a sidéré l'Amérique et le monde, une quarantaine de chefs d'État et de gouvernement se sont réunis dans la capitale hongroise pour ce sommet "CPE", avant un conclave plus restreint avec seulement les 27 membres de l'UE vendredi.
Avenir du soutien à l'Ukraine, menace de désengagement militaire, retour en force des droits de douane, enjeux environnementaux : l'arrivée prochaine à Washington de l'imprévisible homme d'affaires, quatre ans après la fin de son premier mandat, place l'UE et les pays qui en sont proches face à des défis vertigineux.
Vers une nouvelle guerre commerciale ?
"Les Européens ont vraiment le couteau sous la gorge", résume Sébastien Maillard, de l'Institut Jacques Delors. "Le résultat de cette élection force l'UE à ouvrir les yeux. C'est peut-être dans des situations comme celles-ci que les choses peuvent se faire."
En dépit d'appels répétés ces derniers mois à une plus grande autonomie stratégique européenne, le bloc semble pris de court face à un second mandat qu'il espérait évitable.
À lire aussiTrump, une diplomatie imprévisible ? Parlons-en avec N. Tenzer, B. Daroux, S. Ballong, C. Dansette
"Pour dire les choses clairement, je ne pense pas qu'ils se soient véritablement préparés à un tel scénario", résume Guntram Wolff, du centre de réflexion Bruegel. "Il n'y a pas de plan élaboré sur la marche à suivre, que ce soit au niveau européen ou au niveau franco-allemand."
En matière économique, face au "choc des droits de douane" annoncé, le danger est que chacun y aille de son voyage à Washington pour négocier séparément.
Donald Trump, qui comparait durant sa campagne l'UE à une "mini-Chine" qui abuserait de son allié américain en accumulant des excédents commerciaux massifs, dit vouloir augmenter les droits de douane entre 10 % et 20 % pour l'ensemble des produits entrant aux États-Unis.
Préserver le "lien entre les alliés"
À son arrivée à Budapest, le secrétaire général de l'Otan Mark Rutte s'est efforcé d'impliquer Donald Trump dans un front commun face à la menace russe, en soulignant combien le rôle de la Corée du Nord dans la guerre en Ukraine changeait la donne, y compris pour les États-Unis.
La Russie et la Corée du Nord se sont considérablement rapprochées depuis que Moscou a lancé son assaut contre l'Ukraine en février 2022. Et le chef de l'Otan sait combien l'ancien – et futur – locataire de la Maison Blanche aime mettre en avant ses rencontres avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, dont le pays redoute une chute de l'aide américaine, s'est exprimé à l'ouverture du sommet.
À voir aussiRéélection de Donald Trump : en Ukraine, la crainte d'un désengagement
"Nous espérons que l'Amérique deviendra plus forte. C'est le genre d'Amérique dont l'Europe a besoin. Et une Europe forte est ce dont l'Amérique a besoin. C'est le lien entre les alliés qui doit être valorisé et qui ne doit pas être perdu", a déclaré Volodymyr Zelensky dans un discours prononcé devant les dirigeants européens.
L'objectif de la CPE, initialement imaginée par Emmanuel Macron, est de rassembler beaucoup plus large que l'Union européenne. Au-delà des 27 membres du bloc européen, une vingtaine de pays ont été invités, avec des trajectoires radicalement différentes vis-à-vis de l'UE : des candidats déclarés et impatients à l'adhésion, des pays qui savent que la porte leur est fermée pour longtemps, et le Royaume-Uni, qui a choisi de la quitter avec fracas.
Avec AFP