"On était nombreux à se douter que beaucoup de choses promises n'allaient pas voir le jour" : l’élan brisé des Jeux paralympiques

Un an, jour pour jour, après la cérémonie d'ouverture des Jeux paralympiques place de la Concorde, la nostalgie perdure jeudi 28 août. Ces paralympiques ont été un véritable succès populaire et sportif avec 75 médailles remportées par la délégation française.

Les paralympiques en France étaient aussi la promesse de laisser un héritage pour le handisport. Malgré les promesses, nombreux sont ceux aujourd'hui qui déplorent le manque de moyens. Parmi eux : le sprinteur, double médaillé d'argent l'été dernier, Timothée Adolphe. L'athlète qui prépare les mondiaux de para-athlétisme à New Delhi en Inde, fait partie des premiers à dénoncer la fin de la parenthèse enchantée. "Ces deux dernières années, dit-il, on a eu les Jeux paralympiques, les championnats du monde à Paris. On avait du matériel au top et là depuis que les jeux sont passés, on nous donne du matériel de pacotille. On met des athlètes en danger qui ne peuvent pas performer. Cela ne met en valeur personne."

Timothée Adolphe et son guide Jeffrey participent à l'épreuve d'athlétisme masculine du 400m lors des Jeux Paralympiques de Paris 2024 au Stade de France à Saint-Denis. (JULIEN DE ROSA / AFP)
Timothée Adolphe et son guide Jeffrey participent à l'épreuve d'athlétisme masculine du 400m lors des Jeux Paralympiques de Paris 2024 au Stade de France à Saint-Denis. (JULIEN DE ROSA / AFP)

Après les paralympiques, certains sponsors n'ont pas renouvelé leurs contrats. La subvention du ministère des Sports envers le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) a, de son côté, été drastiquement diminuée, jusqu'à moins 75%. Cette subvention permettait, pourtant, de financer le haut niveau, les stages, les formations et l’achat de matériel. Le champion fustige les promesses non tenues pour structurer le handisport. "On était beaucoup à se douter que beaucoup de choses promises n'allaient pas voir le jour, indique, lucide, Timothée Adolphe. On s'était tous dit qu'après les jeux, soit on surfait sur la dynamique et c'est ce qu'on aurait pu faire, soit tout  s'effondrait comme un château de cartes. C'est ce qui est en train de se passer." 

"La coupe budgétaire dans le domaine du sport est quand même très importante. Paradoxalement, on nous donne moins de moyens tout en nous demandant d'être plus performants."

Timothée Adolphe

à franceinfo

Pourtant, l'enjeu est primordial pour le mouvement, qui a vu les demandes d'adhésion augmenter après Paris 2024. "Dans mon club, on a opéré une augmentation à peu près de 26%", souligne Karim Mimouni, président de l'association Capsaaa, qui compte plus de 200 adhérents et propose du basket et rugby fauteuil ou encore de la boccia. "Ce sont beaucoup de sports amateurs au niveau du parasport. Je pense qu'il faut former des bénévoles pour pouvoir encadrer et former des dirigeants dans les clubs pour pouvoir accueillir des personnes en situation de handicap", explique Karim Mimouni.

Un athlète para-sportif participe à un match de badminton lors de l'inauguration du complexe "Le Prisme", un gymnase inclusif accessible aux sports handicapés, à Bobigny, au nord de Paris, le 1er février 2025. (CHRISTOPHE PETIT TESSON / EPA / MAXPPP)
Un athlète para-sportif participe à un match de badminton lors de l'inauguration du complexe "Le Prisme", un gymnase inclusif accessible aux sports handicapés, à Bobigny, au nord de Paris, le 1er février 2025. (CHRISTOPHE PETIT TESSON / EPA / MAXPPP)

Le principal succès des paralympiques est pourtant là. Ils ont permis de lever le tabou sur les pratiques sportives inclusives, leur donnant de la visibilité, spécialement "pour les parents qui cherchaient une pratique sportive pour leurs enfants et qui ne savaient pas que cela existait." Selon les derniers chiffres, 1 672 structures sont affiliées à la Fédération Française de handisport.

Le Prisme, un complexe sportif inclusif et accessible à tous

Certaines structures ont tout de même été impulsées par Paris 2024. C'est le cas du Prisme en Seine-Saint-Denis. Le chantier a coûté un peu plus de 55 millions d'euros. Le complexe sportif est doté aujourd'hui d'une capacité de plus de 8 000 mètres carrés , une surface dédiée au sport pour tous. Il s'agit d'une véritable opportunité pour Sophie, 48 ans, qui souffre de troubles du spectre autistique. Cet été, elle est venue toutes les semaines au Prisme. "On a fait du badminton, un peu de tennis de table, du basket fauteuil", liste-t-elle. Au programme ce jour-là, une séance aqualudique dans une piscine dédiée, au calme et plus adaptée pour elle. "Qui dit piscine, dit du monde, du bruit. Ça résonne, et souvent c'est un frein. Là j'ai pu profiter juste du plaisir de l'eau", témoigne la femme.

Pour la mère d'Ani, le Prisme a également changé son quotidien et celui de son garçon de 10 ans en fauteuil roulant. "Chaque matin, il demande si c'est aujourd'hui qu'on va au Prisme, se réjouit la maman. Il est impatient de venir ici, on a fait des après-midi handisport où Ani a pu accéder à des sports qu'il ne connaissait pas et qu'en temps normal, il ne pouvait pas faire."

"Sincèrement, cela nous fait rêver parce qu'on aimerait que nos enfants, eux aussi, puissent avoir la chance d'avoir accès à des clubs."

Lina

à franceinfo

Ce lieu répond aussi à une demande des clubs et des établissements de santé. "On va avoir presque 120 heures par semaine d'établissements médico-sociaux concernant à peu près 70 établissements. Cela prouve qu'il y a un réel engouement. Avoir un référent sportif, c'est obligatoire maintenant dans les établissements médico-sociaux et parfois ce référent sportif ne suffisait pas forcément, car les établissements se sont retrouvés sans solutions de pratique sportive dans un rayon proche de chez eux", explique Caroline Duval, la directrice du site.

Le Prisme reste, malgré tout, unique en France et même en Europe, un établissement qui sert donc d'exemple. Pour sa directrice, il est essentiel, avant tout, de former davantage de professionnels à l'accueil de personnes en situation de handicap. L'autre enjeu constitue l'accessibilité en transport en commun, encore très limitée, même en Île-de-France où seulement une dizaine de stations de métro sont adaptées aux mobilités réduites.