Pourquoi les places de parkings des hôpitaux sont devenues si chères
«Est-ce normal» qu’une jeune femme «qui parcourt 200 kilomètres par jour pour voir sa mère» à l’hôpital de Nancy en soins palliatifs «paie 300 euros par mois de parking ?». C’est l’alerte lancée le 12 février dernier par le député socialiste de Meurthe-et-Moselle Stéphane Hablot au Ministre de la santé Yannick Neuder.
La somme est astronomique et révèle à nouveau un sujet de crispation qui traverse le service public hospitalier depuis quelques années. Dans les années 2010, certains hôpitaux ont commencé à externaliser la gestion des parkings à des opérateurs privés. Avec deux arguments en tête, la volonté des directeurs d’hôpitaux de concentrer leurs ressources financières sur les activités de soins, et le souhait de lutter contre l’utilisation abusive des parkings par des automobilistes extérieurs à l’hôpital. Un porte-parole de la mairie de Cambrai explique par exemple à l’AFP que l’hôpital de la ville a préféré «investir dans du matériel, comme un scanner» plutôt que dans la construction d’un parking.
Dans le même temps, des groupes privés ont proposé leur expertise dans le domaine et remporter ainsi ce nouveau marché public. On compte par exemple Indigo, Q-Park ou encore Effia. Leur argumentaire a tout pour séduire un centre hospitalier qui recherche à optimiser son budget, avec sur le papier une solution de stationnement clé en main (en échange de la concession) et la capacité industrielle de rénover ces parkings, parfois même en proposant des ouvrages en élévation de grande capacité (plus de 1000 places).
En juillet 2023, le ministre de la santé de l’époque, François Braun, avait même fait de ces arguments les siens. «Le paiement du parking permet d’entretenir et d’améliorer les installations de stationnement, et d’assurer la sécurité des véhicules qui s’y garent» plaidait le ministre en réponse à deux députés déjà engagés contre la mesure.
Des tarifs allant jusqu’à 23 euros la journée
Mais ce sont les patients qui en payent le prix. Stéphanie Ricq, une Cambraisienne de 39 ans se désole de ces prix : «2,70 pour une heure...», peste-t-elle. Cette ouvrière agricole vient «faire des examens assez souvent» et aimerait «que ce soit un petit peu moins cher », explique-t-elle, accompagnée de son adolescent. «Je suis maman solo, donc c’est un peu dur», explique-t-elle à nos confrères de l’AFP.
Car la facture peut vite exploser. Selon les décomptes du Parisien, une journée de stationnement coûte 23,30 euros au CHU de Brest (Q-Park), 22,20 euros au CHU parisien Robert Debré (Saemes), ou encore 21,70 euros au CHU de Nancy (Q-Park), pour les tarifs les plus élevés. «Quand on fait payer le parking dans les hôpitaux publics, on touche à l’accès à un service de santé. Cela mérite a minima une régulation de l’État ou de la “Sécu” », juge Frédéric Bizard, économiste spécialiste des questions de santé et de protection sociale auprès de nos confrères du Monde.
L’affaire prend de l’ampleur
La sécurité sociale prévoit de rembourser les frais de transport en véhicule personnel «à hauteur de 55 % (ou à 100 % dans certains cas) sur la base du tarif kilométrique en vigueur, fixé à 0,30 €/km», ainsi que les frais éventuels annexes tel que le parking. Mais attention, il faut que votre médecin vous «prescrive» par ordonnance «un moyen de transport personnel pour se rendre à l’hôpital».
En ce qui concerne l’État, la balle est entre les mains du législateur. Au mois de mars 2024, les députés RN avaient proposé une loi visant «à interdire la mise en place de parkings privés pour les hôpitaux», pour revenir à la gratuité. Sans que cette dernière n’ait été examinée.
Selon les informations du Parisien, les députés socialistes Stéphane Hablot et Pierrick Courbon (Loire), comptent prochainement leur emboîter le pas, proposant également une loi. Le ministre de la Santé a quant à lui déclaré «sa volonté» d’élargir la prise en charge des frais de parking aux proches de patients : « dans certaines conditions, sur des maladies longues, [il doit y avoir] une prise en charge de cette nécessité d’avoir les proches au chevet des patients». «Cela fait partie de l’accompagnement et de l’humanité que nous devons remettre dans nos politiques publiques», a-t-il conclu.