«Pas de local, on mettra le feu» : à Mâcon, après un week-end d’échauffourées, le face-à-face du maire avec les dealers

«Pas de local, c’est la guerre. Pas de local, on mettra le feu.» Quand Jean-Patrick Courtois, le maire de Mâcon, s’est rendu ce dimanche avec le préfet de Saône-et-Loire aux Saugeraies, après un week-end d’échauffourées dans le quartier sensible de sa commune, l’inscription, taguée sur le mur d’un appartement squatté de la cité, lui a sauté aux yeux. 

Depuis, l’édile n’a aucun doute : ces violences urbaines ne sont autres qu’une salve de représailles visant la mairie. Dans la nuit de samedi à dimanche, vers minuit, le quartier a basculé quelques heures dans le chaos. Sept véhicules légers ont été embrasés, certains pour empêcher les pompiers d’accéder à la cité. Des pointes (clous soudés, NDLR) ont aussi été disposées sur plusieurs routes, où deux véhicules de police ont crevé, alors qu’ils gagnaient le cœur des émeutes.

Pendant ce temps, trois bâtiments municipaux ont été incendiés par plusieurs dizaines d’individus, et ravagés par les flammes. «Tous sont des locaux associatifs destinés aux jeunes», précise au Figaro Jean-Patrick Courtois, qui déplore les conséquences pour les habitants des Saugeraies, une cité paupérisée, dans une commune qui est l’une des plus pauvres du département. «L’un d’eux servait à accueillir les plus petits après l’école. C’est un désastre : tous les jouets, les livres, le matériel, a brûlé.»

C’était il y a huit mois. «L’une de mes adjointes avait reçu des jeunes des Saugeraies, et très vite, le ton est monté», se souvient Jean-Patrick Courtois. Le petit groupe - parmi lesquels certains gèrent une association de quartier - demande alors à l’élue de pouvoir disposer d’un local. «Mais ils refusaient de se soumettre à une convention, comme c’est la règle. Ils disaient vouloir faire les choses par eux-mêmes», poursuit le maire de Mâcon. «On a ensuite compris que certains voulaient surtout bénéficier des lieux pour mieux continuer à gérer le trafic de drogue.» 

1 million d’euros de dégâts 

En début de semaine, le calme est progressivement revenu aux Saugeraies, après l’arrivée en renfort d’une compagnie de 50 CRS, annoncée par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau dimanche. Ce mardi matin, à part la carcasse d’un scooter carbonisé au pied d’un arbre, aucune dégradation n’a été constatée par les autorités, alors que l’arrêté pris par la préfecture de Saône-et-Loire prendra fin ce soir, à 23 heures. Celui-ci stipule «l’interdiction de détention, de transport d’armes, toutes catégories confondues, de munitions et d’objets pouvant constituer une arme concernant les communes de Mâcon, Sancé et Charnay». 

Mais un face-à-face s’est installé entre le maire et les dealers. Jean-Patrick Courtois dit ne rien céder devant cette «guérilla urbaine». Il s’active pour organiser les réparations, et surtout, trouver les fonds nécessaires. L’addition frôle le 1 million d’euros, «ce qui n’est pas suffisant pour faire jouer les assurances», souligne-t-il. «Nous sommes en train de demander une subvention exceptionnelle à l’État.» 

Pour l’heure, dans le quartier, une seule interpellation a eu lieu. Celle, en flagrant délit, d’un individu de 19 ans, mis en examen pour «destruction de biens par incendie» et «violences sur fonctionnaires» lundi. L’enquête se poursuit donc, et cherche à déterminer aux côtés de qui ce jeune homme semble avoir agi. D’après plusieurs sources, ils étaient près d’une cinquantaine, ce soir-là, à prendre part aux violences.  

Revendeurs

«Dans le cas de violences urbaines comme celles-ci, ce sont en général les revendeurs qui agissent, de jeunes dealers. Pas les intermédiaires du réseau, et encore moins les leaders», analyse une source policière locale. Mâcon, bien que décrite comme «paisible» par cette source, n’échappe pas au trafic de drogue. «La marchandise est acheminée depuis Lyon. Dans chaque point de deal, on trouve de la coke et du cannabis. De l’héroïne à la marge, aussi, car elle fait pour l’instant partie d’un marché réservé», détaille le policier, qui décrit aussi une inquiétante tendance dans la cartographie du trafic de la région : celle d’une main basse de la puissante DZ Mafia marseillaise sur les trafiquants locaux. 

À Mâcon, on craint le départ des CRS, jeudi, et le retour des dealers sur les points de vente de drogue. «Que se passera-t-il quand ils lèveront le camp ?», s’interroge une source policière. «Les points de deal reprendront leur activité, et avec elle, l’éternel jeu du chat et de la souris recommencera.» Chaque épisode de pression sur les points de deal suscite aussi des poussées de fièvre chez les dealers, à cet endroit de la Bourgogne. «Quelques mois plus tôt, une histoire similaire s’est déroulée dans la ZUP du Plessis (une commune voisine de Mâcon, NDLR)», se souvient cette source. «Des interpellations et des contrôles avaient eu lieu, mettant un coup d’arrêt au trafic. S’en étaient suivies plusieurs nuits de violences.»