Alors que les pigments semblent avoir totalement disparu des podiums - à peine y a-t-on vu quelques bouches rouges, rarement du fard sur les paupières -, Chappell Roan a fait pulser la couleur aux premiers rangs des défilés. Faux cils XXL et blush rose qui déborde sur les tempes façon poupée de porcelaine chez Valentino, liner futuriste prolongé le long des joues par de gros pointillés chez Rick Owens, cat-eye ultragraphique chez Rabanne… Ses maquillages appuyés ont été, ces derniers jours, de toutes les conversations.
Exagérés et extravagants, parfois étranges, ils nous ont immédiatement fait penser aux idoles des années 1980, Kate Bush, Cyndi Lauper et Kimera en tête, qui n’avaient pas peur des couleurs tranchées posées en excès - souvent du jaune, de l’orange, du mauve, du vert néon. La nouvelle sensation queer de la pop américaine (Chappell Roan vient d’être élue révélation de l’année aux Grammy Awards) avoue, elle, puiser ses inspirations glitter chez Lady Gaga, Madonna ou encore Dolly Parton. Des artistes pour qui le maquillage ne relève pas uniquement d’un choix esthétique mais aussi d’un puissant moyen d’expression artistique, voire de revendications militantes.
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Glamour et déroutante
Pour Chappell Roan, le maquillage n’a rien d’anodin. Et c’est ce qu’elle raconte dans Faces of Music, une minisérie documentaire en trois épisodes imaginée par Sephora US et diffusée, depuis fin janvier, sur la plateforme Hulu, pour mettre en lumière le lien entre art et maquillage. « Le visage blanc est très important pour moi. Il y a une raison pour laquelle je me maquille ainsi. J’ai grandi dans un endroit où il n’y avait pas beaucoup de gays qui s’affichaient avec fierté et en toute sécurité. Dans mon lycée, certains garçons les traitaient de clowns. J’ai donc commencé à me maquiller en blanc en me disant : “Si vous me traitez de clown, alors je vais être le meilleur clown que vous ayez jamais vu !” Je suis gay, et il n’y a rien de mal à cela. Et vous savez quoi ? Plus personne ne me traite de clown désormais », raconte-t-elle en recréant, face caméra, le maquillage de la pochette de son album The Rise and Fall of a Midwest Princess avec ses palettes de pro des marques NYX, ColourPop, Urban Decay, LA Girl…
Même chose pour ce bleu électrique qu’elle aime porter sur les paupières, comme un hommage à son idole, la drag-queen américaine Divine. « Le fard bleu est tellement stigmatisé, il est associé aux travailleuses du sexe, au maquillage de drag et à un comportement débridé. C’est précisément pour cette raison que je l’ai choisi. Tout ce que je fais est un grand “fuck you” aux cases dans lesquelles on a essayé de me faire rentrer. » Ces derniers jours, l’idole de la Gen Z s’en est donc donné à cœur joie avec ses looks inspirés de la culture queer, du burlesque et du théâtre. Mis en scène avec la styliste Genesis Webb et le maquilleur Andrew Dahling, ils sont pensés pour être « glamours, mais aussi étranges et déroutants ».