Qui est Mark Carney, le futur Premier ministre du Canada qui va succéder à Justin Trudeau ?
Il aura la lourde tâche de défendre le Canada face aux charges répétées de Donald Trump. Mark Carney a été désigné à la tête du Parti libéral, au pouvoir dans le pays, après avoir recueilli 85,9% du vote des militants, dimanche 9 mars. "Les Américains veulent nos ressources, notre eau, notre terre, notre pays", a prévenu cet ancien banquier lors de son discours de victoire, alors que la politique intérieure canadienne est désormais conditionnée par l'attitude des Etats-Unis à l'égard de son voisin.
Mark Carney deviendra officiellement Premier ministre dans les jours qui viennent. Il succédera au démissionnaire Justin Trudeau, issu du même parti et resté en poste pendant près de dix ans. Cet homme de 59 ans, qui se définit comme centriste, se trouve dans une situation inédite : il accédera au pouvoir sans jamais avoir été député et sans avoir connu la moindre expérience au sein d'un gouvernement.
Economiste aguerri, novice en politique
Mark Carney va prendre les rênes du gouvernement alors qu'une forte inflation, ainsi qu'une crise des services publics et du logement ont rendu son camp impopulaire. Le nouveau chef du Parti libéral a promis de remettre "l'économie sur des rails", lui qui dispose d'une solide formation en la matière acquise à Harvard (Etats-Unis) et à Oxford (Royaume-Uni). Il a fait fortune en tant que banquier d'affaires chez Goldman Sachs. Mark Carney, surtout, a dirigé deux banques centrales : celle du Canada (2008-2013), en pleine crise financière, puis celle d'Angleterre (2013-2020), durant une période marquée par le Brexit. Il a ensuite conseillé Justin Trudeau sur la réponse économique à apporter à la crise du Covid-19.
Mark Carney met régulièrement en avant son expérience. "J’ai aidé à gérer plusieurs crises et j’ai aidé à sauver deux économies", avait-il déclaré au lancement de sa campagne, en janvier. L'homme séduit par "son expérience économique et son sérieux", explique Stéphanie Chouinard, professeure de sciences politiques au Collège militaire royal du Canada. "Il connaît très bien les systèmes financiers internationaux et les forces et les faiblesses de l'économie canadienne."
Plus récemment, Mark Carney était encore envoyé spécial des Nations unies pour le financement de l'action climatique. Celui qui refuse d'opposer économie et écologie souhaite mettre l'accent sur des solutions axées sur l'investissement, comme les technologies vertes. Lors de la COP26, en 2021, il a lancé l'Alliance financière de Glasgow pour la carboneutralité (GFANZ), qui regroupe des banques et institutions financières.
Prêt à en découdre avec Donald Trump
C'est la principale préoccupation du moment au Canada. Donald Trump a imposé des droits de douane sur des produits canadiens et ne cesse de dire que son voisin devrait devenir le "51e Etat américain". Dans son discours de victoire, Mark Carney a promis de tenir tête au président américain dont les menaces, selon lui, représentent "la plus grave crise de l'époque". Il a ajouté que Donald Trump attaquait "les familles, les travailleurs, les entreprises canadiennes" et a évoqué "des jours sombres provoqués par un pays auquel nous ne pouvons plus faire confiance".
"Les Canadiens sont toujours prêts quand quelqu'un lance le gant", a-t-il affirmé, en référence à la rivalité sportive des deux pays, instrumentalisée récemment par Donald Trump. "Que les Américains ne s'y trompent pas. Dans le commerce comme au hockey, le Canada gagnera." Selon un sondage de l'institut Angus Reid publié mercredi, avant sa victoire, Mark Carney est le choix préféré des Canadiens pour affronter Donald Trump, avec 43% des personnes interrogées qui lui accordent leur confiance, contre 34% pour le leader conservateur Pierre Poilievre. "Aux Etats-Unis (...), il n'y aura jamais de droit à la langue française", a également mis en garde le président du Parti libéral, passant régulièrement de l'anglais au français. "La joie de vivre, la culture et la langue française font partie de notre identité."
Un Premier ministre déjà en sursis
Père de quatre filles, Mark Carney est né dans la bourgade isolée de Fort Smith (2 500 habitants) dans les Territoires du Nord-Ouest, proches de l'Arctique, de deux parents enseignants. Il a grandi à Edmonton, la capitale de l'Alberta, dans l'Ouest, et a joué au hockey, comme beaucoup de Canadiens. Sa maîtrise imparfaite du français, langue importante dans ce pays officiellement bilingue, a suscité des critiques. Lors d'un débat télévisé en français, il s'est notamment trompé de terme en déclarant "nous sommes tous d'accord avec le Hamas", avant de se corriger aussitôt : "contre le Hamas".
Mark Carney s'était lui-même qualifié d'outsider durant sa campagne interne au Parti libéral, en cherchant à prendre ses distances par rapport à Justin Trudeau. Calme et affable, l'ancien banquier projette une "image rassurante", commente Daniel Béland, de l'université McGill à Montréal. Mais ce "spécialiste des politiques publiques" et "technocrate" peut être vu comme "ennuyeux et sans énormément de charisme". Cela pourrait lui nuire lors des élections législatives qui pourraient avoir lieu au printemps, et au plus tard en octobre, et pour lesquelles les conservateurs semblent partir avec une longueur d'avance. Leur leader, Pierre Poilievre, a décrit Mark Carney comme un membre de "l'élite qui ne comprend pas ce que vivent les gens ordinaires".